•  En poursuivant notre survol du passé, nous ne pouvions pas écarter les récits de faits illustrant la mise en application (déjà) ou la non reconnaissance d’une laïcité dont le nom même n’existait pas à l’époque.

     

    Ces dossiers n’étant pas des œuvres historiques, ils ne peuvent pas être tenu pour représentant toute la richesse de ces époques révolues.

    Ils invitent juste à une réflexion sur le pourquoi de la création de cette notion, sur ses contenus, sur sa mise en application aujourd’hui.

     

     

    Les « essais démocratiques »  et la difficile cohabitation politique

     

     

    Acquise à la Réforme, La Rochelle est une place de choix, car elle est un des ports qui ouvre la France aux voyages et aux commerce internationaux. Sa position dans l’ancien duché d’Aquitaine a longtemps fait craindre qu’elle ne se rallie à l’Angleterre.

     

    Elle est la première ville en 1199 à élire un maire (Guillaume seigneur de Montmirail, le premier maire de l'Histoire de France) et à être gouvernée par 24 échevins et 75 pairs.

    Charles Chabot les supprime en 1530 pour réintégrer la ville au royaume de France en s’attribuant le mandat de maire perpétuel.

    En 1614, la ville se date encore d’une charte de gouvernement, composée de 29 articles.

     

     En 1628, elle capitule devant la couronne de France lors du siège mené par Richelieu, ministre d’Henri III.

    En 1632, elle accueille triomphalement la reine de France Anne d’Autriche épouse d’Henri III.

     

    « Archives historiques de la Saintonge de de l’Aunis tome 38 - P 391 et 395 

     

    Ordre de ce qui s’est fait et passé à l’entrée de la reine en cette ville de La Rochelle qui feut le 20ème de novembre 1632.

    Ledit jour de son entrée, cinq compagnées d’habitans de cette ville, faisant environ deux mille ommes avec leurs manteaux et espées seulement, conduicts par des vieux maires et des syndicts et par M. de l’Escalle, lieutenant criminel, qui marchoit à la teste en habit court comme colonnel, sortirent au-devant de la royne, au dehors de la porte de Sainct-Nicolas, jusques à une barrière qui estoit au bout de la chaussée et proche des moulins de Tasdon.

    La royne s’approchant de cette barrière dedans son carrosse, assise au-devant et au fond, à costé et aux deux portières, Mmes de Chevreuse, de la Trémouille, de Montbazon, de Senesay, de Lyancour et de la Flotte, ledit sieur de l’Escalle fit ouvrir ladite barrière et se mettant à genoux et ceux qui l’accompagnoyent, luy fit une très belle harangue, laquelle feut escoutée avec grande attention et admirée d’un chascun (2).

    Cela fait, la royne se rend à la porte de Sainct-Nicoals avec d’autres carrosses, où il y avoit un arc de triomphe sur le rateau de ladite porte, lequel bastiment estoit de hauteur de quarente pieds, et qui fermoit en sa largeur tout le travers du chemin, et au miilieu y avoit un portal de dix pieds, MM. De Villars, président, et tous les autres officiers fléchis rez terre, ledit sieur président commança sa harangue, laquelle finie et s’estant tous levez, M. le commandeur s’advance vers la royne et luy présente les clefs des trois tours, dela chaisne, de Garaut et de Sainct-Nicolas, et ne mesme temps luy montre un marteau ; ce faict les hautbois qui estoyent au-dessus de la porte sonnèrent et entonnèrent gravement et magnifiquement.

    L’autre arc trimphal plus haut et plus grand et plus superbe en édifice que n’avoit esté le premier, il estoit estably à la rencontre de deux rues, il avoit deux grandes portes, le corps de l’édifice estoit de marbre rouge, quatre pillastres de marbre verd, ayans leurs bases et chapiteaux de marbre blanc, et de là montant vers le canton de la Caille, depuis le pont de Sainct-Sauveur jusques au logis de la reyne qui estoit chez mademoiselle Le Goux (C’est l’emplacement de l’ancien évêché, hôtel actuel de la bobliothèque et des musées), en la rhue de Gargouilleau (où sont plus de cent pas), les rhues estoyent des deux costez tandues de tapisseries et parcemées de fleurs.

    Le poile marchoit devant la reine, porté par MM. (Zenas) de Remigioux, lieutenant (particulier) et Colin, lieutenant particulier criminel, de la Morinière, garde des sceaux, Gaspard Pandin des Marthes, de la maison Neufve et du Chiron, et pus avant, six trompettes, vestues de tabis incarnade et bleus qui faisoyent grande chamade.

    Dudit pont de Sainct-Sauveur, elle monte vers le canton de la Caille, elle y rancontra une grotte fort bien faite, couverte et lambrissée de grenons ou grizons, avec du sart et des cocillages, dans laquelle il y avoit un jeune garçon habillé en fille marine, nageant, eschevallé dans une manche d’eau qui dégorgeoit d’une caverne, ses tresses longues et naturellement frizées luy flottoyent jusques au faux du  corps, elle avoit un visage frais, les yeux verds, le sourcil castagne, la formance un peu espagnolle et comme tout nue qu’elle estoit, en couleur de chair, depuis les hanches vers le bas, elle finissoit en porsille, ayant escaille, nagouères et ballay de poissons.

    Cette fille aussitost qu’elle eust apperçeu la royne, elle estendit son brad tout nud, yant une grande coquille ou lymace de mer en sa main, dans laquelle coquille il y avoit une masse d’ambre gris et s’advançant sur la portière du carosse, elle advança sa main verese la royne, luy fit son présent, qu’elle accompagna de ses vers :

    Parmi ces grenons et le sart,

    Où la nature aussi povre que l’art,

    M’ont fait une maison mascanique et sauvage,

    J’ai rencontré ce Lymon précieux

    Que j’offre avecques mon hommage

    A la fille, à la sœur, à l’espouse des Dieux.

     

    Cela fait, la royne s’en alla au canton des petits bancs, où il y avoit seize violons qui jouoyeny merveilleusement bien, et tirant vers le palais rencontra un autre arc triomphal, sur lequel (Ce membre de phrase a été effacé) et comme sur un dais estoit debout en relief la déesse de la paix, ayant la riche taille, la gracieuse majesté et les adorables beautez e la royne, tant à la face qu’à main, estoit vestue d’une symarre de crespon d’Espagne blanc, coiffée en poil, la couronne d’ollive passant par les anneaux de ses cheveux, un rameau de mesme à l’une des mains, la corne d’abondance en l’autre.

    Au palais, on avoit fait un escalier rampant qui prenoit d’une des fenestres en haut jusques sur le pavé de la rue, par lequel vingt-deux damoiselles, en la fleur de leur aage, couvertes chascunes d’elles d’une robe de satin blanc avec des manchons de fine gaze, nue teste avec force noeudes, avec un demy voile de gaze d’argent sur la teste, et ainsi que la reyne s’approcha et estant au devant du palais et vis-à-vis de ce bastiment, les damoiselles de Villars et de l’Escalle et les dix rangsqui les suivoyent font très profonde révérence, présentant à sa majesté, dans un panier à la moresque travaillé fort mignardement, des guirlandes  de rozez et autres singukières fleurs avec des ampoules d’eau d’ange et ce fait, ladite de Villars luy dist, en luy faisant le présent :

     

    Puisque vous avey veu Neptune dans vos fers,

    Et que la mer vous a à ce jourd’huy fait hommage,

    Madame, ce vous est un rasseuré présage

    Que vous serez, un jour, royne de l’univers.

     

    Ce fait, la royne s’en alla au grand temple faire ses dévotions, et puis aprèz, en son logis et demeura en cette ville jusques au mardy en suivant et tesmoigna en s’en allant et partout où elle passoit qu’elle estoit fort contante et satisfaite.

    Le dez estoit octogone, sçavoir de quatre angles aygus et de quatre autres en lenne, ayant grand saillie et faisant comme une manière de roze, sa longueur estoit douze pieds et sa largeur de noeuf, porté par sis bastons croisez, couvertz de satin blanc, dont les quatre prenoyent au quatre cantons principaux et les deux autres aux lèvres de droite et de gauche.

    Au pan de derrière et à celuy qui le suivoit estoit le grand escu de France, avec les deux ordres et nombre de trophées en broderie à demi bosses, à la pente de devant et à celle de main senestre estoyent les armes dela royne, comme aussi au fonds, avec les blasons observez et deux rameaux de palme, concurrens à leur embrassade.

     

    Dispute. – Le jeudi 28ème d’Apvril 1633 ; M. Demanty, capitaine de marine entretenu par sa majesté estant au canton de Monconseil de cette ville, M. de Remigioux, leiutenant particulier de cette ville y passant et venant du palais rendre justice et se retirant en sa maison, les sergens marchans devant luy, et ayant sa robe longue, ledit sieur Demanty l’auroit esté attaquer et luy auroit demandé, estant tout en colère et à dessein de l’offenser, s’il le cognoissoit bien, lequel dit sieur lieutenant luy fit responce que non, lors iceluy Demanty luy luy dist qu’il le croyoit bien et que s’il ne l’eust cognu et sçeu sa quallité, qu’il ne luy eust pas fait de l’injustice, comme il luy avoit fait le jour précédant, ce que voyant, ledit sieur lieutenant et estant tout estonné, luy dist qu’il parloit mal, et qu’il estoit un impudent d’ainsi parler et dist aux sergans et autres personnes qui estoyent là : « Qu’on empoigne cet impudent », lors iceluy Demanty se retirant en arrière tira son épée de son fourreau pour offencer ledit sieur lieutenant, ce qu’il eust fait, n’eust esté le capitaine de Ferrière qui estoit avecques luy qui l’en auroit empesché, lequel il auroit saisy  au corps et fait entrer dedans la maison de Me François Bardonnyn, advocat, et tout à l’instant, voyant qyue le peuple s’esmouvoit et craignant d’être en peine, s’en seroit allé aux Trois Marchans, où estoyent ses chevaux et auroit monté à cheval et s’en seroit allé à La Leu, et de La Leu passé en l’Isle de Ré. Au mesme temps, ledit sieur lieutenant auroit esté trouver M. de Villemontée, intendant, auquel il auroit fait entendre ce que ledit sieur Demanty luy auroit dit et fait, ce qui indigna grandement ledit sieur intendant et s’en allèrent au palais iù ilz firent assembler tous MM. Les présidiaux, qui résolurent qu’on iroit prendre à son logis et pour ce faire, ilz donnèrent charge à M. le lieutenant criminel, M. de l’Escalle et M. Robin, conseiller, et de s’accompagner de gens arméz, ce qu’ilz firent et furent aux Trois Marchants pensant le trouver, mais il s’en estoit déjà allé, et, coyans qu’il feust à LA Leu, feurent jusques ausit LA Leu et ne le trouvèrent pas non plus, car il estoit passé en Ré et du depuis MM. Firent un procez-verbal et informèrent contre luy, mais du depuis, l’affaire s’est accomodée. »

     

     

    On voit que si Richelieu reprend La Rochelle et en supprime les privilèges, certains habitants de la ville majoritairement protestante ne pensent pas forcément à la religion en cas d’agression, peut-être parce que l’excuse religieuse servait à cacher des motivations nettement plus politiques.

    Pourtant, les membres du corps de ville de La Rochelle étaient plutôt calmes face aux agressions dont ils étaient en permanence l’objet :

     

     

    «  Archives historiques de la Saintonge de de l’Aunis tome 38 P 391 et 395

     

    Dispute. – Le jeudi 28ème d’Apvril 1633 ; M. Demanty, capitaine de marine entretenu par sa majesté estant au canton de Monconseil de cette ville, M. de Remigioux, leiutenant particulier de cette ville y passant et venant du palais rendre justice et se retirant en sa maison, les sergens marchans devant luy, et ayant sa robe longue, ledit sieur Demanty l’auroit esté attaquer et luy auroit demandé, estant tout en colère et à dessein de l’offenser, s’il le cognoissoit bien, lequel dit sieur lieutenant luy fit responce que non, lors iceluy Demanty luy luy dist qu’il le croyoit bien et que s’il ne l’eust cognu et sçeu sa quallité, qu’il ne luy eust pas fait de l’injustice, comme il luy avoit fait le jour précédant, ce que voyant, ledit sieur lieutenant et estant tout estonné, luy dist qu’il parloit mal, et qu’il estoit un impudent d’ainsi parler et dist aux sergans et autres personnes qui estoyent là : « Qu’on empoigne cet impudent », lors iceluy Demanty se retirant en arrière tira son épée de son fourreau pour offencer ledit sieur lieutenant, ce qu’il eust fait, n’eust esté le capitaine de Ferrière qui estoit avecques luy qui l’en auroit empesché, lequel il auroit saisy  au corps et fait entrer dedans la maison de Me François Bardonnyn, advocat, et tout à l’instant, voyant qyue le peuple s’esmouvoit et craignant d’être en peine, s’en seroit allé aux Trois Marchans, où estoyent ses chevaux et auroit monté à cheval et s’en seroit allé à La Leu, et de La Leu passé en l’Isle de Ré. Au mesme temps, ledit sieur lieutenant auroit esté trouver M. de Villemontée, intendant, auquel il auroit fait entendre ce que ledit sieur Demanty luy auroit dit et fait, ce qui indigna grandement ledit sieur intendant et s’en allèrent au palais où ilz firent assembler tous MM. Les présidiaux, qui résolurent qu’on iroit prendre à son logis et pour ce faire, ilz donnèrent charge à M. le lieutenant criminel, M. de l’Escalle et M. Robin, conseiller, et de s’accompagner de gens arméz, ce qu’ilz firent et furent aux Trois Marchants pensant le trouver, mais il s’en estoit déjà allé, et, coyans qu’il feust à LA Leu, feurent jusques ausit LA Leu et ne le trouvèrent pas non plus, car il estoit passé en Ré et du depuis MM. Firent un procez-verbal et informèrent contre luy, mais du depuis, l’affaire s’est accomodée. »

     

     

    Richelieu à l’époque remplaçait les nobles accoutumés au pouvoir par des officiers fidèles au roi, voire des personnes de son propre entourage quelle que soit leur religion, sensibles aux modifications qu’il désirait et aptes à les mettre ne place.

    Même si les charges à l’époque s’achetaient, il n’en reste pas moins que la politique, comme à toutes les époques, faisait ou défaisait les nominations.

    Cependant, à certaines périodes, tous les protestants seront interdits d’achat de certaines charges, ou de nomination à certains postes, sous la pression des catholiques qui se sentaient lésés dans leur prédominance. 

     

    La Rochelle de par son statut était un laboratoire du protestantisme et surtout de la démocratie ; avec toutes les difficultés qu’elle représente à toutes les époques :

     

    SOCIÉTÉ DES  ARCHIVES HISTORIQUES  DE LA SAINTONGE ET DE L'AUNIS – 1908 – Tome XXXVIII

    Page 54

     

    N3. Arrivée du sieur de La Chesnay. – Le jeudy 20è de febvrier ondit an 1614, sur les 2 à 3 heures aprez midy, arriva en ceste ville un gentilhomme de la chambre du Roy nommé La Chaisnaye, qui avoi testé envoyé de la part du roy et de la reyne, sa mère, avec des lettres de créance adressantes à MM. Les maire, échevins, conseillers et pairs de cette dite ville, lesquelles ayant esté présentées à M. le maire, il en réserva la lecture au lendemain en suivant, en la maison commune de l’echevinage, au son de la cloche, auquel jour les prétendus bourgeois et non originaires ayant esté de ce advertis se trouvèrent devant la porte de la maison commune de ceste ville en grand nombre, et voaynt que M. le maire et ledit sieur La Chesnay et plusieurs autres de la maison de ville vouloyent entrer dans la maison de ville pour faire faire lecture de ladite lettre, quelques-uns desdits prétendus bourgeois non originaires, comme François Bardonnyn et quelques autres, lesquels feurent au-devant, déclarèrent audit sieur de La Chasnay, en présence de M. Le maire, qu’ilz désiroient avoir lecture et communication desdites lettres, attendu qu’elles concernent le public, joinct d’ailleurs, dosoyent-ilz, qu’elle est adressante aussi bien aux bourgeois, manans et habitans de cette ville qu’à M. le maire, et lors ledit sieur maire tirant la lettre leur montra qu’elle s’adressoit seulement au maire, eschevins, conseillers et pairs et ainsy s’en entrèrent dans ladite maison de ville, où estans ledit sieur de La Chesnaye fit sa délégation et fit lecture de la lettre qu’escrivoit le roy et la royne et la lecture faite, MM. Du corps de ville arrestèrent, attendu que la lettre concernoit tout le public que ledit sieur de La Chesnaye feroit derechef sa délégation et que ladite lettre seroit leue dans la salle de Sainct-yon à 2 heures après midy dudit jour et ce ne présence de tous els bourgeois, manans et habitans de cette ville qui s’y voudroyent trouver, et de fait tous les sergens de toutes les compaignies advertirent un chacun de s’y trouver, si bon leur sembloient, et s’y trouva un tel nombre de peuple qu’on s’y portoit les uns vers les autres, et l’assemblée faite, ledit siru de La Chesnay fit sa délégation, on fit lecture de la lettre, ensemble de la responce à icelle que faisoient MM. Du corps de ville au roy et à la royne, en présence de toute l’assembléeet, cefait, Pierre Bernardeau, marchant et bourgeois de cette ville, soy disant procureur des prétendus bourgeois, requist avoir commincation tant de la lettre escrite par le roy et la royne à MM. De la ville que de le responce à icelle, ce qui leur fut octroyé à la charge qu’il le rendroit dans le jour, ce qu’il fit, et ce fait, chacun se retira.

    N4. – Le samedy 22 de febvrier 1614, quelques-uns de MM ; de la maison de ville et aussi de prétendus bourgeois non originaires, jusques au nombre de 13 d’une part et d’autre, s’assemblèrent à la salle haulte de Sainct-Yon où assistoyent aussi MM. Nos pasteurs, pour conférer ensemble et moyenner un bon accord, mais ce fut en vain et fust ladite conférence infructueuse pour ce qu’ilz ne sçurent jamais terminer aucun ^point de leur différent et ainsi cette assemblée se rompit.

     

    Page 103 :

    Emprisonnement David Le Roy. – Le Sabmedy 4è dudit mois d’apvril ondit an, M. David Le Roy estant au carrefour où estoit aussy Me Gilles Bardonnyn et plusieurs autres, ayant dit quelques paroles dont ledit Bardonnyn jugeoit offencer, en quelques façon, les procureurs et bourgeois, s’en estant iceluy Bardonnyn allé en sa maison le manda tout aussitost à Thary, Chatton et autres procureurs desdits bourgeois, lesquelz tout à l’instant se transportèrent en la maison dudit Le Roy et montèrent sçavoir Tharay et Sanceau jusques dans sa chambre où ilz se trouvèrent avec compagnie qui estoit avecques luy et parlant à luy, iceluy Tharay qui portoit la parole, comme le plus imprudent et effronté, luy dist en ces mots : « Nous sommes venus ici pour vous dire que vous ayaez à venir au logis de M. le maire pour rendre raison des paroles calomnieuses et injurieuses que vous avez dites et préférées cejourd’huy matin au carrefour », et de là le menèrent chez ledit sieur maire où estans et après avoir ouy iceluy La Roy, iceluy Tharay et autres, de leur autorité privée et continuant leurs violences et voyes de faict, le menèrent et conduisirent eux-mêmes en l’eschevinage et le constituèrent prisonnier où il y demeura jusques au lundy en suivant, sur les cinq heures du soir, qu’il feust mis dehors, sans qu’ilz voulussent permettre qu’aucun parlast à luy, non pas mesme sa femme, cat ilz l’avoyent déffendu expressement au concierge et dit que si il le permettoit, ilz le pendroyent aux créneaux et n’en eussent sceu faire s’il eust été criminel de lèse-majesté.

     

    On voit ainsi que les problèmes de confiance entre élus et peuple, de la prise de décision entre partis, et de la liberté d’expression non calomnieuse (il y avait déjà des fakes news, dont certains s’étaient fait une spécialité, étaient déjà présents à cette époque, et ce sous la monarchie de Louis XII mais aussi dans la ville de La Rochelle. Louis XII en choisissait le maire parmi trois des noms proposés par 24 échevins et de 75 pairs de la ville (le corps de ville).

     

     

    Le désir de démocratie s’exprimait aussi dans des faits plus quotidiens, à travers des conseils comme ceux de fabrique, composés d’un groupe de clercs ou de laïcs élus régulièrement (sans pouvoir se représenter lors d’une sortie de mandat), les marguilliers  qui veillent à l’administration les biens, des revenus d’une église, des terres (locations, écoles, rentes et impôts), de l'entretien des locaux, de tenir le matricule (registre public où l'on enregistrait les pauvres qui demandaient / recevaient l'aumône à la porte des églises (Vu sur un acte de 1734 à Berbiguières en Dordogne),  et de préparer les affaires qui doivent être portées au conseil. Ce conseil servait d'aide au sacristain, nommait et révoquait les chantres, les bedeaux...

     

     

    La position de Richelieu

     

     

    Richelieu est considéré comme un des fondateurs de l’Etat moderne en France, tant il s’est appliqué à moderniser les lois en supprimant les privilèges accordés à certains métiers ou certaines villes :

    -        Il réprime sans état d’âme les révoltes paysannes contre l’impôt à cause du besoin de financement de l’état

    -        Il condamne l’immixtion des passions privées dans le fonctionnement de l’état, tout comme l’expression d’une pensée protestante qui irait contre l’Etat établi ou qui maintiendrait des privilèges pour certaines villes (dont La Rochelle, place forte et riche, qu’il souhaite remettre dans le giron du roi tout autant pour des raisons économiques que politiques)

    -         Il remplace la présence des nobles « turbulents » ou « criminels » dans les conseils par celle d’officiers et de magistrats de petite naissance (noblesse de robe ou roturiers), pour réduire le pouvoir des Grands, et limite les charges héréditaires, les professions se transmettant ainsi à cette époque,  

    -        Il fait interdire les duels (dont son frère est mort).

     

    Certains commentateurs l’associent à une contre-réforme rigoriste, d’autres au contraire le trouve trop tolérant avec les protestants.

    Mais il est né dans un milieu où catholiques et protestants se côtoient, éloigné des grands enjeux commerciaux ou politiques des villes riches, Paris, Bordeaux ou La Rochelle.

     

    Il y a eu ainsi plusieurs seigneurs qui ont tenté dans leurs villes de maintenir la paix entre religions adverses, car tous se connaissaient ou se côtoyaient depuis l’enfance, et souvent avaient même tissé des liens familiaux :

     

    Archives de Richelieu T. 35

     

    « L’intendance de la maison (de Richelieu) est remise au capitaine-gouverneur, qui appartient d’ordinaire à la noblesse de second rang et sort de la contrée. Au début du siècle, cette charge fut occupée par Armand-Charles de Blet (1699-1725). Il se rattachait à une famille honorable et aisée, qui possédait les seigneuries des Brosses, de la Morinerie, de Chargé et de Haute-Claire ; son père se nommait Louis, et sa mère Catherine de Voyer. Il fut présenté aux fonts, le 26 avril 1665, par le duc et la duchesse de Mazarin (Mr et Mme de la Meilleraye ?) . Le 22 février 1691, Armand de Blet, chevalier, seigneur de Chargé et de Vaucouleurs, épousa Gabrielle-Alberte de Saudelet, fille de François de Saudelet, chevalier, seigneur de la Belle-Croix, et de dame Antoinette Petit-Jean. La bénédiction nuptiale fut donnée par l’abbé Jean de Sazilly, « en présence de très haut et très puissant seigneur, Monseigneur le duc de Richelieu et de très haute et très puissante dame Anne-Marguerite Daceigné, son épouse, de mesdemoiselles de Richelieu et de Fronsac, leurs filles. » Un peu plus tard, les demoiselles de Richelieu eurent pour gouvernante Antoinette Petit-Jean de Saudelet.

    Le foyer du gouverneur s’anima du joyeux babil de plusieurs enfants. Le 4 août 1695, il y avait fête pour le baptême de Jeanne-Perrine, dont le parrain fut Paul de Gréaulme, seigneur de Pont. Un fils, Louis-Joseph, fut tenu sur les fonts par Jean-Joseph du Rosel et Maguerite de la Cliette. Quatre ans plus tard naissait une seconde fille, Armande Louis Gabrielle ; le 26 juillet 1699, elle eut pour parrain et marraine « Louis François Armand du Plessis de Richelieu, duc de Fronsac, et dame Louise-Elizabeth du Rosel. Armand de Blet avait deux autres filles : Catherine Françoise Alberte, née en 1700, et Renée Antoinette, en 1701. Au cours de l’été 1718, le château retrouva quelque chose de son gai sourire d’antan, à l’occasion du mariage de la fille aînée du gouverneur. Le 14 juin, Jeanne Perrine, parée de la grâce de ses vingt-deux printemps, épousa Jean Armand, fils de Jean de Chauviry, chevalier, seigneur de Milly, Charsay et autres lieux, et de Marguerite Poirier-Ragonneau ; le fiancé avait vingt-cinq ans. Dans les rangs de la brillante assistance, on remarquait le sénéchal, le doyen de la Sainte-Chapelle de Champigny, Jacques de Remigioux, chevalier, seigneur de la Fuye de Chanteloup, le chevalier de Relay et plusieurs autres gentilshommes. Cette union donna le jour à Gabrielle Armande Marguerite, qui fut baptisée le 9 avril 1719 et mourut à l’âge de onze mois ; plus tard, naquit une autre fille, Jeanne Alberte. A cette époque, le gouverneur de Richelieu était qualifié « chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis et capitaine au régiment royal de cavalerie » ; il perdit sa belle-mère, qui fut enterrée dans le domaine de Chargé, situé sur la paroisse de Razines.

    Armand Charles de Blet mourut vers 1725 ; sa femme quitta ce monde quelques années plus tard, et sa sépulture eut lieu au commencement de l’année 1729, dans l’église de Richelieu. La dignité de gouverneur fut ensuite occupée par leur fils, Armand François de Blet, qui épousa Fulgence Thérèse d’Aux ; celle-ci mit au monde Armand-Jean, dont le parrain fut le duc de Richelieu. Ils eurent d’autres enfants qui sont : Louis, baptisé le 2 juin 1730, et dont la marraine fut Marie-Thérèse d’Aux, épouse de François Emmanuel d’Outreleau, seigneur de Beaulieu ; Madeleine Alberte, présentée aux  fonts le 30 décembre 1733, par René Prosper d’Aux, chanoine de la collégiale de Châtellerault, et par Alberte de Blet ; René Armand, né en 1735 et mort à l’âge de cinq ans ; enfin, en 1740, Gabrielle Armande, qui eut pour parrain Jean Gabriel de Blet, capitaine au régiment royal de cavalerie. Le Gouverneur entretenait les meilleurs rapports avec la noblesse des environs, en particulier avec Louis de Lomeron, seigneur de la Pataudière, dont la jolie résidence se voit encore à la porte de Richelieu. Plus d’une fois, il prit une part active aux cérémonies religieuses ; membre du conseil de fabrique, il se distinguait par sa régularité aux séances et par la sagesse de ses avis. En 1747, il perdit sa sœur, Antoinette-Renée, âgée de quarante-trois ans : elle fut inhumée, le 30 août, devant la chapelle Saint-Louis. Le même jour, on enterrait aussi dans l’église, la supérieure des Filles de la charité, Marguerite Bethnotte, âgée de cinquante ans. Les ducs de Richelieu étant rentrés en possession du domaine de Chinon, Armand François de Blet réunit la qualité de gouverneur du château de Chinon à celle de capitaine de Richelieu : il porte ce titre en 1761. Armand François eut pour successeur Armand Jean de Blet, qui occupe la charge en 1788, année où il vend au sieur Piballeau, les terres de Chargé, Haute-Claire et Milly. Les de Blet portaient « d’argent à trois feuilles de laurier de sinople. »

    « Le 5 janvier 1729, madame Albert de Saudelet, veuve de Messire Armand-Charles de Blet, en son vivant chevalier, seigneur de Chargé, Haute-Claire et autres lieux, chevalier militaire de l’ordre de Saint-Louis, gouverneur du château et ville de Richelieu, morte le jour précédent, âgée de cinquante-six ans environ, a été inhumée dans l’église de cette paroisse, vis-à-vis l’autel de Saint-Louis, dit de la Charité, dont elle était supérieure, par moy curé soussigné, en présence de Armand-François de Blet, gouverneur de Richelieu, de Louis-Gabriel-Joseph de Blet, fils de ladite dame défunte et de Messire Jean-Armand de chauviry, gendre de la même défunte. Cusson curé. »

    « Le 28éme jour de may 1729, je soussigné curé de Notre-Dame de Richelieu, dans la chapelle du château, par la permission de l’evesque de Poitiers, en date du 30 avril dernier, ay suppléé les cérémonies du baptesme et prières accoutumées à Armand-Jean, fils de messire Armand-François de Blet, chevalier, seigneur de Chargé et de Vaucouleurs, capitaine au régiment roayl d’infanterie, gouverneur de la ville et du château de Richelieu, et de dame Marie-Fulgence d’Aux, son épouse, de cette paroisse, né le vingt de février dernier, ondoyé le même jour par permission de mon dit seigneur en date du 29 janvier : le parrain a esté monseigneur Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu et de Fronsac, chevalier des ordres du roy, la marraine madame Jean Perrine de Blet, épouse de messire Jean-Armand de Chauviry, chevalier, seigneur de Milly et autres lieux, en présence de ladite dame de Blet, mère de l’enfant. »

     

     

    Louis de BLET capitaine dans les gendarmes du roi. Il comparaît à l'assemblée de la noblesse du Poitou, réunie à Poitiers pour nommer les députés aux Etats de 1651

    Marié bis 12 Juillet 1662 Razines (37) avec   Catherine Le Voyer.  Devenue veuve, elle se remariera avec Jean de Rémigioux, peut-être l’oncle de Jacques époux d’Elisabeth de Blet

     

    Armand Charles de BLET Gouverneur du château et de la ville de Richelieu (1699-1725) et de Chinon  

    Marié le 22 février 1691 avec Gabrielle Albert de SAUDELET.  Témoin au mariage :  le cardinal de Richelieu

     

    Jeanne Perrine de BLET mariée en 1718 avec    Armand Jean de CHAUVIRY 1682-

     

     

    Armande Louis Gabrielle née le 26 juillet 1699 – Parrain : Louis François Armand du Plessis de Richelieu, duc de Fronsac))

     

     

    Jean Gabriel Vincent de Blet né le 19/11/1704 Razines 37 – Parrain /Marraine : Jean de Rémigioux ; Dame Elisabeth de Blet épouse de Jacques de Rémigioux))

     

     

    Armand François de BLET 1692-1772, Gouverneur de Richelieu et de Chinon Marié le 27/11/1726 avec Fulgence Thérèse d'AUX + 19/12/1741 (Parents: M René d'AUX  seigneur de Jardres  et  Z Madeleine du VERDIER ) 

     

     

     

    H  Armand Jean DEBLET ° 1729 Baptisé Richelieu, 37196 ((Parrain : Duc de Richelieu)) + 1804 Marié avec Armande Marguerite de CHAUVIRY †1787 

     

    ELISABETH de BLET née le 28/04/1666 mariée en 1688 à Langeais (37) à Jacques de Remigioux (Parents : Jacques de Remigioux marié vers 1665 avec N Devilliers 

    Elle signe en au contrat de mariage en mars 1681 d’Olympe de Rémigioux § avec Pierre Alexandre Desmaretz / des Marets/ Desmarais, mariage de la religion réformée (Olympe de Rémigioux abjure à à Saint Cybard Poitiers le 15 mars 1685 : abjuration d’Olympe de Remigioux, âgée de 35 ans femme de Pierre Alexandre des Marets, écuyer et sieur dudit lieu des marets, demeurant dans la paroisse de Thurageau. Signe A. L. de Chalucet.

     

     

    De REMIGIOUX Joseph Antoine § 20/11/1723 Langeais (86) avec Marie Moreau veuve de François Poullain

     

     

      Françoise Thérèse de REMIGEOUX décédée à Oiron sur recommandation de Madame de Montespan, qui y avait transféré le 14/11/1703 l'Hospice de la Sainte-Famille qu'elle avait créé en 1693 à Fontevraud.

    Mariée   4 /11/1718 à Marigny-Marmande, 37148 avec   M  Joseph GUESBIN de RASSE / RASSAY

     

     

    Marie Elisabeth de REMIGEOUX, mariée en 1727 Jaulnay (37) vue 20 avec   Armand Charles de la VIALLIERE Seigneur des Monteils - Témoins :  Monsieur le curé Antoine de Rémigioux, Gabriel, François, Jeanne Françoise, Louise de Rémigeoux ; François, Gabriel, Antoinette et Albert Deblet)

     

     

    Jeanne Françoise REMIGEOUX  1703 ?- 1812 Mariée le 12 janvier 1728 Jaulnay 37120, avec  Louis La viallière 

    (Témoins : Elisabeth de Blet ; André de Rémigioux ? ; François et Elisabeth de Rémigeoux)

     

     

     

    Richelieu et les arts

     

    Richelieu était aussi sensible aux arts et les a largement réorganisés.

    Il fonde en 1635 l’Académie française.

     

     

    Histoire de l’Académie française de Jean Pélisson

     

    « Environ l'année 1629, quelques particuliers, logés en divers endroits de Paris, ne trouvant rien de plus incommode dans cette grande ville, que d'aller fort souvent se chercher les uns les autres sans se trouver, résolurent de se voir un jour de la semaine chez l'un d'eux. Ils étoient tous gens de lettres, et d'un mérite fort au-dessus du commun : M. Godeau, maintenant évêque de Grasse, qui n'étoit pas encore ecclésiastique, M. de Gombauld, M. Chapelain, M. Conrart, M. Giry, feu M. Habert, commissaire de l'artillerie. M. l'abbé de Cérisy, son frère, M. de Serizay, et M. de Malleville. Ils s'assembloient chez M. Conrart, qui s'étoit trouvé le plus commodément logé pour les recevoir, et au coeur de la ville, d'où tous les autres étoient presque également éloignés. Là ils s'entretenoient familièrement, comme ils eussent fait en une visite ordinaire, "et de toute sorte de choses, d'affaires, de nouvelles, de belles-lettres.

    Ils avoient arrêté de n'en parler à personne, et cela fut observé fort exactement pendant ce temps-là. Le premier qui y manqua fut M. de Malleville : car il n'y a point de mal de l'accuser d'une faute qu'un événement si heureux a effacée. Il en dit quelque chose à M. Faret, qui venoit alors de faire imprimer son Honnête homme, et qui, ayant obtenu de se trouver à une de leurs conférences, y porta un exemplaire de son livre qu'il leur donna. Il s'en retourna avec beaucoup de satisfaction, tant des avis qu'il reçut d'eux sur cet ouvrage, que de tout ce qui se passa dans le reste de la conversation. Mais comme il est difficile qu'un secret que nous avons éventé ne devienne tout public bientôt après, et qu'un autre nous soit plus fidèle que nous ne l'avons été à nous-mêmes, M. Desmarests et

    M. de Boisrobert eurent connoissance de ces assemblées, par le moyen de M. Faret. M. Desmarests y vint plusieurs fois, et y lut le premier volume de l’Ariane qu'il composoit alors. M. de Boisrobert désira aussi d'y assister, et il n'y avoit point d'apparence de lui en

    refuser l'entrée ; car outre qu'il étoit ami de la plupart de ces Messieurs, sa fortune même lui donnoit quelque autorité, et le rendoit plus considérable3. Il s'y trouvadonc; et quand il eut vu de quelle sorte les ouvrages y étoient examinés, et que ce n'étoit pas là un com

    merce de compliments et de flatteries, où chacun donnât des éloges pour en recevoir, mais qu'on y reprenoit hardiment et  franchement toutes les fautes jusqu'aux moindres, il en fut rempli de joie et d'admiration. Il étoit alors en sa plus haute faveur auprès du cardinal de Richelieu ; et son plus grand soin étoit de délasser l'esprit de son maître, après le bruit et l'embarras des affaires, tantôt par ces agréables contes qu'il fait mieux que personne du monde, tantôt en lui rapportant toutes les petites nouvelles de la cour et de la ville ; et ce divertissement étoit si utile au Cardinal, que son premier médecin, M. Citois, avoit accoutumé de lui dire : « Monseigneur , nous ferons tout ce que nous pourrons pour votre santé ; mais toutes nos drogues sont inutiles , si vous n'y mêlez un peu de Boisrobert.

    Parmi ces entretiens familiers, M. de Boisrobert qui l'entretenoit de tout, ne manqua pas de lui faire un récit avantageux de la petite assemblée qu'il avoit vue, et des personnes qui la composoient ; et le Cardinal qui avoit l'esprit naturellement porté aux grandes choses, qui aimoit surtout la langue françoise , en laquelle il écrivoit lui-même fort bien ', après avoir loué ce dessein, demanda à M. Boisrobert si ces personnes ne voudroient point faire un corps et s'assembler régulièrement, et sous une autorité publique. »

    Cela se passoit ainsi au commencement de l'année 1634. En ce même temps, M. Conrart, chez qui les assemblées s'étoient faites jusques alors, vint à se marier. Ayant donc prié tous ces Messieurs, comme ses amis particuliers, d'assister à son contrat, ils avisèrent entre eux qu'à l'avenir sa maison ne seroit plus si propre qu'auparavant pour leurs conférences. Ainsi on commença à s'assembler chez M. Desmarests, et à penser sérieusement, suivant l'intention du Cardinal, à l'établissement de l'Académie.

    Car comme la Cour embrasse toujours avec ardeur les inclinations des ministres et des favoris, surtout quand elles sont raisonnables et honnêtes, ceux qui approchoient le plus prèsdu Cardinal, et qui étoient en quelque réputation d'esprit, faisoient gloire d'entrer dans un corps dont il étoit le protecteur et le père. Non-seulement M. Desmarets et M. de Boisrobert, qui avoient su les premiers ces assemblées secrètes, mais encore M. de Montmor, maître des requêtes, M. du Chastelet, conseiller d'État, M. de Bautru, aussi conseiller d'État, et qui étoit en grande faveur, M. Servien, alors secrétaire d'État, et M. le garde des sceaux Séguier, maintenant chancelier de France, voulurent être de cette Compagnie. »

     

    Valentin Conrart est huguenot, secrétaire du roi Louis XIII, spécialisé dans les affaires de librairie. Les secrétaires du roi étaient chargés de dresser les lettres de privilèges de librairie, c'est-à-dire d'autoriser la parution d'un livre et de conférer un monopole à l'éditeur. Personnage central du monde des auteurs, médiateur entre le pouvoir royal et les auteurs, et également entre les auteurs et le public, et entre les catholiques et les protestants grâce à son activité de publication. Il publie les écrits des pasteurs du temple de Charenton et encourage l'édition en Hollande de certains livres qui n'ont pas l'agrément du roi en France, notamment celle des Mémoires de Philippe Duplessis-Momay, le pape des huguenots, pour la tolérance entre les religions lui-aussi.

    Antione Godeau était son cousin, catholique.

     M. de Boisrobert (François le Metel de Boisrobert) était secrétaire de Richelieu.

    Jean Desmarets de Saint Sorlin est aussi huguenot, tout comme Paul Pélisson Fontanier. qui abjurera par la suite.

     

     

    Le cardinal de Richelieu demande que les statuts soient rédigés par les intéressés eux-mêmes, porte le nombre d’académistes à 40, et que seul le « talent » soit pris en compte dans les nominations, sans distinctions de naissance ou de fortune.

    Il ne pourra éviter néanmoins que se distinguent deux catégories d’académistes : ceux nommés pour leur situation (aristocrates, position de pouvoir ou fortune) et ceux nommés pour leur rapport aux lettres et à la littérature.

    Les membres de cette assemblée ne seront nommés académiciens qu’à partir du 12 février 1635.

    Leur objectif était de se préoccuper de la pureté de la langue, et de la qualité de l’éloquence, l’objectif de censure octroyé aux secrétaires qui délivraient les patentes (dont Conrart) n’ayant pas été repris. Cette dimension de censure est laissée à la loi, non plus à l’administration.

    Le garde des sceaux Pierre Séguier scelle les lettres patentes de constitution de l’Académie huit jours avant le décès de Richelieu, ce qui semble prouver que Richelieu accordait une grande importance à cette création, alors même que la langue française ne se préoccupait pas d’une « purification »  de l’orthographe, dont aucun auteur ne fait mention, mais plutôt d’une normalisation des « polices’ d’impression, chaque éditeur ayant ses propres fondeurs de caractères, ce qui était une contrainte de compatibilité lors des rachats ou transferts de matériel entre éditeurs. On reconnaît encore certains imprimeurs aux caractères qu’ils utilisaient.

     

    Le parlement de Paris n’enregistrera les lettres patentes de création de l’Académie française que le 31 juillet 1637, après de longues discussions qui prouve qu’il était conscient du partage des pouvoirs accordés au déplacement vers la forme langagière d’un contrôle qui s’exerçait auparavant par voie administrative plus sur un contenu que sur une forme même.

    Ainsi : « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences » (article XXIV). À cet effet, « il sera composé un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique » (article XXVI), et seront édictées pour l’orthographe des règles qui s’imposeront à tous (article XLIV). »

     

     

    L’Académie affiche deux missions principales :

    -        Une mission langagière visant à lister, normer, définir les mots et tournures … d’où la rédaction d’un dictionnaire et d’une grammaire (publiée pour la première fois en 1940 !) afin de rendre la langue riche (ce qui ne veut pas dire compliquée) accessible et partagée par tous.

    -        Puis plus tard une mission de mécénat par l’attribution de différents prix.

     

     

    Mais comme nous pouvons le voir dans les textes retranscrits plus haute, l’orthographe non fixée des mots n’était pas vraiment un problème. Par contre le contenu l’était d’autant qu’à la Renaissance :

    L’aventure du livre BNF :

     « En ce qui concerne l’appartenance sociale des possesseurs, l’exemple parisien montre que 54 % des bibliothèques se trouvaient chez les officiers, les avocats, les notaires et les procureurs, 21 % chez les marchands et les bourgeois, et seulement 6 % chez les gentilshommes. »

    « Pour protéger leur travail, les imprimeurs et les libraires se font délivrer des privilèges par les pouvoirs publics, qui leur assurent le monopole temporaire de l’impression et de la vente des ouvrages publiés à leurs frais. 
    Le privilège apparaît à Venise en 1469. En France, Louis XII octroie le premier à Antoine Vérard en 1508 pour son impression des Epîtres de saint Paul. En raison de leur généralisation au cours du siècle, ils sont accordés non seulement par la chancellerie royale, mais aussi par les parlements, le Châtelet et même des juridictions locales, du moins jusqu’au début des guerres de religion.

    Puis l’ordonnance de Moulins de 1566 rend obligatoire l’obtention préalable du privilège et le réserve au seul pouvoir royal, qui entend contrôler ainsi la production éditoriale du royaume. »

    http://classes.bnf.fr/livre/arret/histoire-du-livre/renaissance/03.htm 

     

     

    Nous avons vu dans un dossier précédent que la loi fonctionnait alors par coustumes, et que Charles VII avait ordonné leur rédaction par l’ordonnance de Montils-lès-Tours en avril 1454.  Gutenberg naît en 1468. L’imprimerie ne pouvait pas ne pas être marqué par les évolutions de son époque, et les essais d’organisation politique d’un état tendant à être unique voire uni ne pouvaient pas ne pas marquer les technologies de leurs époques.

     

    Le mouvement ainsi créé est humaniste et laïc, car il s’applique sur les hommes quel que soit le groupe humain auquel ils se réfèrent, religieux, « technologique », politique, géographique, ou même social.  

     

     

     

    Et le roi

     

     

    Le roi l’est de droit divin et catholique !

    Il ne peut donc être laïc, car cela reviendrait à renier ce sur quoi repose son pouvoir.

     

    Mais à toutes les époques, son souci est moins la religion que l’unité du royaume et l’obéissance aux lois.

    Henri IV et Louis XIV ne s’attaque au protestantisme que parce que les oppositions continuelles entre catholiques et protestants porte atteinte au pays et au pouvoir qui en garantit l’unité, moins que par passion ou fanatisme.

     

    Louis XIV gardera parmi ses gardes du corps des protestants convertis après 1685, et il conservera des comédiens parmi sa troupe d’origine ou de convictions protestantes. Il s’amusera même de les voir brocarder une aristocratie qu’il n’aimait guère pour des raisons que l’histoire a assez détaillées.

     

    Mme de Maintenon, fille de Constant d’Aubigné et petite-fille d’Agrippa d’Aubigné, tous deux protestants, s’opposera au protestantisme extrémiste mais jugera qu’il n’y a pas lieu d’inquiéter ceux qui restent modérés, bien qu’apparemment elle ait craint que sa position d’huguenote de naissance ne la soumette aux intrigues religieuses de la cour ; contrairement à la légende, elle se serait opposée  à ce que Louis XIV abroge l’édit de Nantes, ce qui conduira aux honteuses dragonnades (certains historiens pensent que Louis XIV n’en n’était pas informé)  puis à l’abjuration de nombreux protestants.

    Les protestants qui abjurent restent sous surveillance, (comme on le voit dans le fait que certains sont obligés d’abjurer plusieurs fois de suite, convaincus d’avoir gardé des relations ou fréquenté des réunions de réformés), mais généralement gardent leurs postes, la société civile étant plus avide de paix et de prospérité que de dissensions sociales.

     

    Quant à Mme de Maintenon, elle créera en 1686 l’internat de Saint-Cyr, dans la maison royale de Saint-Louis, chargée de l’éducation de jeunes filles nobles mais désargentées, comme ça été son cas lorsqu’elle était jeune.  

     

    L’ancien régime catholique n’était pas favorable à l’émancipation des filles, Pourtant, certains les émanciperont, comme François Barthélémy de Rémigioux époux de Marie Anne de Messemé qui émancipe sa fille mineure Marie Anne née le 29 septembre 1746, ce qui ne l’empêchera pas de signer comme témoin dans certains des actes qu’elle passera plus tard sur ces propriétés. Elle se mariera plus tard avec Ours Armand de Sassay.

    Bataille aussi pour l’éducation des filles avec la création d’organisations telles que « Les filles de la Croix » créée par Jeanne Marie Elisabeth Lucie BICHIER des AGES née en 1773, qui ne fait qu’officialiser pourtant une organisation qui existait déjà

    -        Signature de Sœur Marie Dumont, supérieure des filles de la Croix en 1755 (vue 87 / 294) ou de plusieurs sœurs en 1756 dans les registres de la Souterraine dont sœur Gravelat (vue 30/328)  : « Le quinze février dudit an a été inhumée dans la chapelle des Sœurs de La Croix, le corps de Geneviève Choppy, sœur de la congrégation des filles de la Croix, décédée dans leur communauté après avoir reçu les sacrements âgée d’environ cinquante cinq ans toutes les cérémonies faites dans leur chapelle, sans préjudice à l’usage et aux droits de transporter les corps des dites sœurs  dans notre église paroisse, lequel droit nous avons bien voulu céder aujourd’hui seulement sans tirer conséquence à l’avenir, lesquelles dites sœurs soussignées ont connu et s’obligent de reconnaître à notre volonté ; sœur Gravelat supérieure, sœur Thouraud, … « 

    -        signature en 1757 soit un an plus tard de sœur Gravelat, comme sœur de Saint Joseph , toujours à la Souterraine.

    Ces congrégations avaient pour but l’éducation des filles, mais aussi la création de maternités.

     

     

    Il faut dire qu’il y a presque trois siècles, les citoyens n’avaient pas la même vision des administratifs qu’aujourd’hui :

     

    MEMOIRES DELA SOCIETE DES SCIENCES NATURELLES & ARCHÉOLOGIQUES de la Creuse FONDÉE EN 1832

    DEUXIÈME SÉRIE. TOME 19 Première partie

    « Les fonctions de consuls-collecteurs admettaient, de la part de ceux qui les exerçaient, une certaine solvabilité, aussi les choisissait-on toujours avec discernement et si l'un d'eux n'offrait pas les garanties désirables, les habitants n'hésitaient pas à l'éliminer.

    Le sieur Joseph Forgemol, porté sur le tableau des consuls collecteurs pour exercer ces fonctions en 1759, adressa une requête à l'intendant de Limoges, le i~ octobre 1758, demandant à en être déchargé comme ayant quitté la ville depuis trois ans et faisant élection de domicile au village du Poirier, paroisse de La Souterraine (3). L'intendant y répondit par la formule ordinaire « soit communiqué aux habitants de la ditte ville de La Souterraine)).

    Les habitants assemblés le 3 décembre, à l'issue des vêpres, reconnurent le bien-fondé de cette demande et ne firent aucune objection à sa radiation du tableau, attendu que ledit « Forgemol est très dérangé dans ses affaires, chargé d'une nombreuse famille, et hors d'état de pouvoir tenir la charge» de collecteur )'. (1-2) Hameaux de la commune de Saint-Priest-la-Feuille. (3) La paroisse avait son administration distincte de celle de !a ville. La Souterraine faisait partie de l'élection de Limoges, pendant que la paroisse faisait partie de l'élection du Blanc. »

     

     

    Alors la laïcité

     

     

    Si nous faisons un résumé de ce que nous voyons à travers l’histoire, nous pouvons constater que la laïcité dépend et contraint à :

    -        La prise en compte de tous en tant que citoyen, à la mesure de ce que chacun peut percevoir et appréhender à son propre niveau ;

    o   cette constatation pose aujourd’hui la définition de la citoyenneté des  condamnés, des immigrés, des enfants, des SDF…

    o   Plus largement, c’est aussi les domaines soumis aux votes ou référendum qui seraient à définir : pout-on voter pour les droits de l’homme, pour le respect de la nature, pour le droit des immigrés, c’est-à-dire pour des questions générales ou essentielles à une société, ou faut-il les inscrire comme préalables et indispensables de façon constitutionnelle et donc hors vote.

    o   Les votes ne porteraient-ils que sur des points d’organisation financiers ou administratifs ???

    o   Quelle est la part de liberté de chacun : notre corps est-il à nous et a-t-on le droit de s’euthanasier ou non ? a-t-on le droit de porter volontairement un bébé pour quelqu’un d’autre ? Quels sont les droits respectifs de chaque partie dans ce cas et quels droits donne-t-on au bébé qui n’est pas encore né ?

    o  

    -        Différencier entre ce qui est la conception individuelle du monde que chacun a obligatoirement, qu’elle soit religieuse, politique, écologique ou sociale et :

    o    la confrontation entre cette conception et celle des autres

    o   L’organisation d’une société qui nécessite un compromis entre ces différentes conceptions

    o   Cela pose aussi la question de la limite dans laquelle une personne peut exercer un choix individuel sans porter atteinte à la conception de penser de se voisins, tout en respectant les bases du bien commun (les droits de l’homme, de la nature flore et faune, de la météo …)

     

     

    Le désir de démocratie s’exprimait aussi dans des faits plus quotidiens, à travers des conseils comme ceux de fabrique, composés d’un groupe de clercs ou de laïcs élus régulièrement (sans pouvoir se représenter lors d’une sortie de mandat), les marguilliers  qui veillent à l’administration les biens, des revenus d’une église, des terres (locations, écoles, rentes et impôts), de l'entretien des locaux, de tenir le matricule (registre public où l'on enregistrait les pauvres qui demandaient / recevaient l'aumône à la porte des églises (Vu sur un acte de 1734 à Berbiguières en Dordogne),  et de préparer les affaires qui doivent être portées au conseil. Ce conseil servait d'aide au sacristain, nommait et révoquait les chantres, les bedeaux...

     

    Ou encore :

    Chabeuil Par Robert Portal et Jacques Delatour - Ed. AUED, Valence, Études drômoises, revue trimestrielle, n°51 d'octobre 2012 pp. 25 à 31

    Dès 1247, les seigneurs-maîtres de Chabeuil se voient remplacés par Jean II, dauphin du Valentinois, comte d’Albon et seigneur de La Tour du Pin, qui veut bien accorder à ses fidèles sujets une charte de libertés et de franchises. Dès le XVe siècle, Chabeuil peut se vanter d’une institution originale, la Cour des Conventions, qui relève du Parlement de Grenoble et rend la justice de paix jusqu’à la Révolution.

     

    Souvent, la bonté envers le peuple cache quelques motifs moins présentables, comme dans certaines volontés de défunts, qui donne aux pauvres de leur commune ou seigneurie moyennant des prières ou un défilé en bonne et due forme lors de leurs funérailles. Déjà une corruption des obligés par des faveurs financières ou sociales. 


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique