• Les journaux de voyage sont, aujourd’hui, une des rares traces du passé des populations.

    Pour écrire à cette époque, il fallait avoir appris à lire et à écrire, et donc appartenir à une famille riche ou aisée (commerçants, marchands) et/ou noble.

    La vision donnée de la société à cette époque s’en trouve donc partielle voire partiale.

    D’où l’intérêt des journaux de voyage, qui donne souvent de façon incidente une vision non propagandiste de la vie, des monuments, des paysages de l’époque.

     

    Mais c’est un choix. Un autre aurait pu être tout aussi pertinent.

    Les journaux de voyage ont des styles bien différents.

     

    Les œuvres littéraires des auteurs d’autrefois relèvent de différentes fonctions,

    -        des commentaires de Jules César Commentarii rerum gestarum), dont il ne reste aujourd’hui que :

    o   De Bello Gallico, Commentaires sur la Guerre des Gaules, relatant la campagne de César en Gaule.

    o   De Bello civile, Commentaires sur la Guerre civile, relatant la guerre civile contre Pompée.

    En passant par

    -        « Le Devisement du monde, ou Il Milione ou Le livre des merveilles », de Marco polo, racontant son périple en Asie

    -        Ou les chroniques de Richer de Reims ou Georges Chastelain 

    -        « l’ histoire des Francs » de Grégoire de Tours écrite à fonction eschatologique mais nous raconte l’histoire du vase de Soissons ainsi que d’autres faits dans une chronique largement remaniée par la suite,

    -        les événements de son époque relatés de la façon la plus fidèle possible par Jean le Belrelate

    -        le journal d’un bourgeois de Paris dont l’auteur reste à ce jour encore anonyme

    -        ou les écrits  pour promouvoir leurs idées, partiales ou de tolérance, comme chez Etienne Pasquier.

     

    A ce propos, voici le prologue de Grégoire de Tours dans  l' « Histoire des Francs » :

    « Aussi beaucoup d'hommes gémissaient disant : « Malheur à nos jours ! L’étude des lettres périt parmi nous, et on ne trouve personne qui puisse raconter dans ses écrits les faits d'à présent. » Voyant cela, j'ai jugé à propos de conserver, bien qu'en un langage inculte, la mémoire des choses passées, afin qu'elles arrivent à la connaissance des hommes à venir. Je n'ai pu taire ni les querelles des méchants ni la vie des gens de bien. »

     

    Voici donc une promenade à travers non pas la grande littérature française mais les écrits d’écrivains « modestes » et souvent oubliés.  

     

     

    Journal de voyage de Michel de Montaigne en Italie, par la Suisse et l’Allemagne ... en 1580 et 1581

     

    On ne peut pas dire de lui qu’il fut un écrivain modeste, même si certains de ses ouvrages sont plus modestes que d’autres.

    Michel de Montaigne voyage de septembre 1580 à novembre 1581 en Allemagne, Suisse et Italie. Pour se soigner de la gravelle, et s’éloigner de sa vie domestique. Il décrit autant les lieux qu’il écoute les gens.

    Cependant, il n’aborde que peu les querelles de religion ou théologiques. Les deux premières parties sont en français, la première dictée à un secrétaire, la seconde écrite de sa main, la troisième est écrite de sa main en italien.

     

    Extrait de JOURNAL DU VOYAGE DE MICHEL DE MONTAIGNE EN Italie, Par la Suisse & l’Allemagne en 1580 & 1581.

    Avec des Notes par M. de Querlon.  TOME PREMIER.

    A ROME ; Et se trouve à Paris, Chez LE JAY, Librairie, rue Saint-Jacques, au Grand Corneille. M DCC LXXIV.

    A MONSIEUR LE COMTE DE BUFFON, INTENDANT DU JARDIN DU ROI, DE L’ACADÉMIE

    « Montaigne voyageoit comme il écrivoit ; ce n’étoit ordinairement ni la réputation des lieux, ni moins encore un plan formé de suivre telle ou telle partie pour la connoître exactement, ni la marche des autres Voyageurs, qui régloient la sienne ; il suivoit peu les routes ordinaires ; & l’on ne voit pas que dans ses voyages, (excepté toujours son attrait pour les eaux minérales), il eût un objet plus déterminé qu’il n’en avoit en composant ses Essais. A peine a-t-il le pied en Italie qu’il paroît regretter l’Allemagne. « Je crois, dit le premier Ecrivain du Journal, que s’il eût été seul avec les siens, il fût allé plutôt à Cracovie ou vers la Grèce par terre, que de prendre le tour vers l’Italie.

    Mais le plaisir qu’il prenoit à visiter les pays inconnus, lequel il trouvoit si doux que d’en oublier la foiblesse de son âge & de sa santé, il ne le pouvoit imprimer à nul de la troupe, chacun ne demandant que la retraite. Quand on se plaignoit de ce qu’il conduisoit souvent la troupe par chemins divers & contrées, revenant souvent bien près d’où il étoit parti ; (ce qu’il faisoit, ou recevant l’advertissement de quelque chose digne de voir, ou changeant d’advis selon les occasions), il répondoit qu’il n’alloit, quant à lui, en nul lieu que là où il se trouvoit, & qu’il ne pouvoit faillir ni tordre sa voie, n’ayant nul projet que de se promener par des lieux inconnus ; & pourveu qu’on ne le vist point retomber sur mesme voie, & revoir deux fois mesme lieu, qu’il ne faisoit nulle faute à son dessein. »

    Le 6 de Mars, je fus voir la Librerie du Vatican, qui est en cinq ou six salles tout de suite. Il y a un grand nombre de livres atachés sur plusieurs rangs de pupitres ; il y en a aussi dans des coffres, qui me furent tous ouverts ; force livres écris à mein & notammant un Seneque & les Opuscules de Plutarche. J’y vis de remercable la statue du bon Aristide à tout une bele teste chauve, la barbe espesse, grand front, le regard plein de douceur & de magesté : son nom est escrit en sa base très antique ; un livre de China, le charactere sauvage, les feuiles de certene matiere beaucoup plus tendre & pellucide que notre papier ; & parce que elle ne peut souffrir la teinture de l’ancre, il n’est escrit que d’un coté de la feuille, & les feuilles sont toutes doubles & pliées par le bout de dehors où elles le tienent. Ils tiennent que c’est la membrane de quelque abre. J’y vis aussi un lopin de l’antien papirus, où il y avoit des caracteres inconnus : c’est un écorce d’abre. J’y vis le Breviaire de S.

    Gregoire écrit à mein : il ne porte nul tesmoingnage de l’année, mais ils tienent que de mein à mein il est venu de lui. C’est Missal à peu-près come le nostre, & fut aporté au dernier Concile de Trante pour servir de tesmoingnage à nos serimonies. J’y vis un livre, de S. Thomas d’Aquin, où il y a des corrections de la mein du propre autheur, qui escrivoit mal, une petite lettre pire que la mienne.

    Item une Bible imprimée en parchemin, de celes que Plantein vient de faire en quatre langues, laquelle le roy Philippes a envoïée à ce Pape, come il dict en l’inscription de la relieure ; l’original du livre que le Roy Henry d’Angleterre composa contre Luter, lequel il envoïa il y a environ cinquante ans, au Pape Leon dixiesme, soubscrit de sa propre mein, avec ce beau distiche latin, aussi de sa mein Anglorum Rex Henricus, Leo décime, mitti Hoc opus, & fidei testem & amicitiae.

    CHASTEIN,  cinq lieues, petit méchant village. Je beus là du vin nouveau & non purifié, à faute du vin vieus. Le Jeudi 23 aïant tousiours ma teste en cet estat, & le tamps rude, je vins coucher à

    AUBIAC, cinq lieues, petit village qui est à Monsieur de Lausun. De là je m’en vins coucher landemain à

    LIMOGES, six lieues, où j’arrêtai tout le Samedi, & y achetai un mulet quatre-vingt dix écus-sol, & païai pour charge de mulet de Lyon là, cinq escus, aïant esté trompé en cela de 4 livres ; car toutes les autres charges ne coutarent que trois escus & deus tiers d’escu. De Limoges à Bourdeaus on païe un escu pour çant. Le Dimanche 26 de Novambre, je partis après disner de Limoges, & vins coucher aus

    CARS, cinq lieues, où il n’y avoit que Madame des Cars. Le Lundi vins coucher à TIVIE, six lieues. Le Mardi coucher à

    PERIGUS, cinq lieues. Le Mercredi coucher à

    MAURIAC, cinq lieues. Le Jeudi jour de St. André, dernier Novambre, coucher à

    MONTAIGNE, sept lieues : d’où j’étois partis le 22 de Juin 1580 pour aller à la Fere. Par-einsin avoit duré mon voyage 17 mois 8 jours.

    FIN

     

    Extrait des Essais livre 1 :  CHAPITRE XLII

     De l'inequalité qui est entre nous

    PLUTARQUE dit en quelque lieu, qu'il ne trouve point si grande distance de beste à beste, comme il trouve d'homme à homme. Il parle de la suffisance de l'ame et qualitez internes. A la verité je trouve si loing d'Epaminundas, comme je l'imagine, jusques à tel que je cognois, je dy capable de sens commun, que j'encherirois volontiers sur Plutarque : et dirois qu'il y a plus de distance de tel à tel homme, qu'il n'y a de tel homme à telle beste :

    Hem vir viro quid præstat !

    Et qu'il y a autant de degrez d'esprits, qu'il y a d'icy au ciel de brasses, et autant innumerables.

    Mais à propos de l'estimation des hommes, c'est merveille que sauf nous, aucune chose ne s'estime que par ses propres qualitez. Nous loüons un cheval de ce qu'il est vigoureux et adroit.

    volucrem

    Sic laudamus equum, facili cui plurima palma

    Fervet, et exultat rauco victoria circo,

    non de son harnois : un levrier, de sa vistesse, non de son colier : un oyseau, de son aile, non de ses longes et sonnettes. Pourquoy de mesmes n'estimons nous un homme par ce qui est sien ? Il a un grand train, un beau palais, tant de credit, tant de rente : tout cela est autour de luy, non en luy. Vous n'achetez pas un chat en poche : si vous marchandez un cheval, vous luy ostez ses bardes, vous le voyez nud et à descouvert : Ou sil est couvert, comme on les presentoit anciennement aux Princes à vendre, c'est par les parties moins

    necessaires, à fin que vous ne vous amusiez pas à la beauté de son poil, ou largeur de sa croupe, et que vous vous arrestiez principalement à considerer les jambes, les yeux, et le pied, qui sont les membres les plus utiles,

    Regibus hic mos est, ubi equos mercantur, opertos

    Inspiciunt, ne si facies, ut sæpe, decora

    Molli fulta pede est, emptorem inducat hiantem,

    Quod pulchræ clunes, breve quod caput, ardua cervix.

    Pourquoy estimant un homme l'estimez vous tout enveloppé et empacqueté ? Il ne nous faict montre que des parties, qui ne sont aucunement siennes : et nous cache celles, par lesquelles seules on peut vrayement juger de son estimation. C'est le prix de l'espée que vous cerchez, non de la guaine : vous n'en donnerez à l'adventure pas un quatrain, si vous l'avez despouillée. Il le faut juger par luy mesme, non par ses atours. Et comme dit tres−plaisamment un ancien : Sçavez vous pourquoy vous l'estimez grand ? vous y comptez la hauteur de ses patins : La base n'est pas de la statue. Mesurez le sans ses eschaces : Qu'il mette à part ses richesses et honneurs, qu'il se presente en chemise : A il le corps propre à ses functions, sain et allegre ?

    Qu'elle ame a il ? Est elle belle, capable, et heureusement pourveue de toutes ses pieces ? Est elle riche du sien, ou de l'autruy ? La fortune n'y a elle que voir ? Si les yeux ouverts elle attend les espées traites : s'il ne luy chaut par où luy sorte la vie, par la bouche, ou par le gosier : si elle est rassise, equable et contente :

    c'est ce qu'il faut veoir, et juger par là les extremes differences qui sont entre nous. Est−il

    sapiens, sibique imperiosus,

    Quem neque pauperies, neque mors, neque vincula terrent,

    Responsare cupidinibus, contemnere honores

    Fortis, et in seipso totus teres atque rotundus,

    Externi ne quid valeat per læve morari,

    In quem manca ruit semper fortuna ?

    Un tel homme est cinq cens brasses au dessus des Royaumes et des duchez : il est luy mesmes à soy son empire.

     

     

    Le journal de voyage de Jacques Esprinchard

     

    Jacques Esprinchard est le filleul et neveu de Jean Godefroy, auteur de "Voyage par la grasce Dieu pour les païs de Picardie, Flandres, Zellande, Ollande, Allemaigne, cantons de Souisse, païs des Grisons, Millanoys, Ytallie, Rommanye, Reaulme de Naples, Piedmont, Sauoye, (ainsi) que par le destroict des Alpes, par moy Jehan Godeffroy, commansé le moys de dessambre 1568 et finissant au moys de dessambre 1571, ... "

    Jean Godefroy est considéré comme ayant pu servir de modèle à son filleul, mais son récit n’était pas destiné à être publié, aussi sa qualité en était peu travaillée. Il voyage durant trois ans.

    Le récit rédigé à son retour, décrit plus de 350 lieux différents, de façon simple voire répétitive.

    Il ne donne pas les raisons de ses déplacements, même si nombre de protestants voyagent alors pour des raisons d’étude vers les grandes universités protestantes de l’époque : Leyde, Genève (lieu de formation des pasteurs de Lyon, d’Orléans …), Zurich,  … soit la Suisse, l’Allemagne, l’Italie de l’époque.

    Il décrit les lieux, les routes et les passages, mais aussi l’économie de cette époque, les produits, l’artisanat et le commerce.

    Il choisira de s’exiler vers Amsterdam après la mort de plusieurs membres de sa famille lors de la Saint Barthélémy et après la révocation de l’Edit de Nantes.

     

    Jacques d’Esprinchard (1573-1604), rochelais fils d’un armateur maire (en 1578- 1579) de La Rochelle, voyage à des fins de découverte, notamment en Pologne où il visite les foires et les mines. Il fait des études de droit à Leyde, puis visite l’Europe centrale, avant de faire des allers retours entre La Rochelle et Paris.  

    Comme nombre de ses contemporains, il s’intéresse autant aux langues qu’aux sciences.

    Il écrit deux ouvrages d’histoire, mais reste en mémoire pour ses récits de voyage :

    « A deux lieux de Cracovie, par de là la Vistule, i a une petite ville nommée Vuelitschi, renommée par tout le monde à cause des mines de sel qui i sont, et qui donnent tous les ans aux Roys plus de septante mille florins pour sa part.

    On descend en ces mines de sel avec une très grosse corde que des chevaux dévalent et tirent en hault, et ont un grand demi-quart de lieue de profondeur. On attache à ceste grosse corde un grand rets, dan lequel ceux qui i vont travaillier se mettent, et dessus leurs cuisses ceux qui sont curieux d’aller voir jusques aux bas, attachés (pour une d’aultant plus grande seureté) d’une grosse courroye par le milieu du corps, de sorte qu’il n’i a aucun danger, si ce n’est que la corde rompe.

    On voit au fond de ces mines très grande quantité de gros mâts, qui servent d’appui à estayer ces mines. Item grande quantité d’eau courant par des canaux, laquelle estant mise sur le feu se convertit tout aussi tost en sel. On tire de ces mines de si grosses pierres de sel, que quatre chevaux ne les peuvent qu’à grande peine traisner. Le sel est tiré en hault, ou bien, estant jà pilié, en des barriques, ou bien par grosses pièces, et ce par le moyen de six ou sept chevaux qui tournent incessamment une grande roue, lesquels on rafraischit de deux en deux heures, quoy nononbstant il ne se passe année qu’il n’en meure cinq ou six cent. Nous veismes en ces entrailles de la terre plus de cinq cent païsans qui travailloient tout nuds en dittes mines, avec chacun sa lampe ardente ; la plus grande part d’iceux sçavoit fort bien parler latin. A six lieues de Cracovie, en une ville nommée Bochnia, i a de semblables mines et à douze lieues dudit lieu, en un lieu nommé Kielse,qui appartient au Cardinal de Radzivil, on a depuis naguaires trouvé des moines d’or.

     

     

    Le mémoire sur Champdeniers d’Etienne de Rémigioux

     

    Etienne de Rémigioux est un curé de campagne, mais il a laissé des traces de la vie de son époque à travers un mémoire. Il appartient à une famille de catholiques, ayant de lointains cousins protestants ou nouveaux catholiques (contraints par la situation politique de l’époque d’abjurer), mais ses écrits portent essentiellement sur sa commune, dont il est un « chroniqueur ». Il publie un « Mémoire sur Champdeniers »  dans les « Affiches du Poitou », qui sert de référence sur la vie au 18ème siècle dans cette commune, malgré certaines erreurs constatées par les archives départementales des Deux-Sèvres. 

     

    Affiches du Poitou du 9 juin 1774

    Mémoire sur Champdeniers. 
    C’est un des plus grôs Bourgs du Poitou, il est situé au 17e degré 14 min. de longit. ; & au 46e degré 27 min. de latit. ; ayant à l’est, la ville de St-Maixant, dont il est distant de 3 lieues ; au sud, Nyort, aussi à 3 lieues ; à l’ouest, Fontenay-le-Comte, à 6 lieues ; au nord, Partenay, à 5 lieues. Il est de l’Archiprêtré de St-Maixant ; de l’Election de Nyort & du essort de Partenay. Son nom Latin dans d’ancienes chartes est Campodenarium, ou Campidenarium ; il semble que suivant l’étymologie de plusieurs noms de lieux, tirés de la basse Latinité, ce devroit être Campusdenariorum. Dans les anciens actes il porte le nom de ville ; ses abords conservent même encore leurs anciens noms de portes ou barieres ; on s’y souvient aussi d’un jeu de paume ; d’une salle d’armes ; &c. noms de décoration dont les masures n’offrent présentement rien moins que les apparences. La tradition porte que ce Bourg étoit autrefois beaucoup plus considérable qu’il n’est, & qu’il y avoit un Hôtel-de-Ville ; mais dans la vérité, il n’a actuélement ni les attributs ni les privilèges d’une ville. Il y a un Syndic ; M. de la Verdy, Contrôleur Général, décida en 1766, qu’il devoit s’en contenter comme ci-devant, quoiqu’on lui proposât d’y faire nommer un Maire & former un Corps Municipal. Il est assujéti au don gratuit, que l’on nomme maintenant les droits réservés, & aux droits d’entrées journalieres des vins, eaux-de-vie, boissons & boucheries ; s’il y a quelques octrois, ils sont touchés ou par le Bureau des Aides, ou par le Seigneur du lieu. Comme il n’y a point d’Hôpital, celui qui tient la Boucherie de Carème, donne à la Fabrique une modique somme de 50 s ou 3 #, & moyenant cette petite générosité, il a le privilège exclusif de vendre pendant le Carême de la viande à ceux qui lui en demandent. On trouve à Champdeniers toutes les marchandises & denrées que l’on trouve dans les villes ordinaires du Poitou, peut-être même plus abondament. 
    Il y a même plusieurs villes de cette Province qui ne valent pas Champdeniers. 
    Ce Bourg mal à propos qualifié de Marquisat par quelques Dictionaires Géographiques, est une Châtelenie, qui a anciénement & pendant longtemps apartenu à de grands Seigneurs, notamment à la maison de Rochechouart & à celle de Longueville. Je serois même tenté de croire que c’est à cette première, qui est une des plus ancienes & des plus illustres du Royaume, qu’il doit son origine ; son territoire, quoique fort réserré, contient plusieurs fiefs & arriere-fiefs. M. Brochard, Seigneur de la Roche-de-Surin, appelé Marquis de la Roche-Brochard, y possède le principal, du chef de Dame Bellenger, son épouse, & 
    se qualifie Seigneur Haut-Justicier de Champdeniers. Le Chapître de la Rochelle, auquel le Prieuré simple de ce lieu a été réuni, il y a environ 80 ans, prétend aussi la qualité de Haut-Justicier du Prieuré, qui est un membre de l’Abbaye de Maillezais d’oú il releve immédiatement. L’Abbé des Bois ; celui d’Allonne ; le Commandeur ou Prieur de la Lande ; le Seigneur de Neuchèze, celui de Puyraveau, & plusieurs Seigneurs ou particuliers y possèdent aussi des fiefs ou arriere-fiefs qui leur donnent des droits assez singuliers. 
    La situation de Champdeniers est agréable & avantageuse ; il est bâti sur une éminence, en forme d’amphitéatre, dont la pente a son aspect entre l’orient & le midi ; il est entouré d’excellentes prairies coupées par plusieurs ruisseaux, dont le plus considérable se nomme l’Aigrie, & fait tourner quelques moulins, avant de se perdre dans la Sévre Nyortoise après un cours d’environ 3 lieues. 
    L’air y est très-salutaire, aussi s’y trouve-t-il beaucoup de vieillards qui passent 80 ans, d’un Jugement sain & d’une santé robuste. Le lieu est fort peuplé pour son étendue, qui forme à peu près un quarré long, dont le circuit peut être de cinq à six cents pas Géométriques, divisé dans sa longueur du nord au midi, en trois rues principales, traversées dans sa largeur de l’orient à l’occident par quatre autres principales rues, sans y comprendre plusieurs autres petites rues ou venelles, qui conduisent aux halles ou à la place ou à la grande rue qui est la plus droite & la plus peuplée. Ainsi on voit que Champdeniers est bâti plus régulièrement que ne le sont les Bourgs ordinaires, & 
    même plusieurs villes de cette Province. On n’y trouve pas une seule maison vacante ; aussi les loyers y sont-ils très-chers. On compte dans le Bourg 12 à 1300 persones de tout sexe & de tout âge, dont près de 800 communians, sans compter les habitans de la campagne.

    Il n’y a dans ce Bourg qu’une Eglise Paroissiale dont le vaisseau est beau, vaste, bien éclairé, voûté en entier, & soutenu par 12 piliers assez délicatement construits. Ony dessert deux Chapelles ou Stipendies qui en dépendent. On soupçone que cet édifice a été construit vers le commencement du onzieme siecle, & qu’il y avoit autrefois de Bénédictins, comme à l’Abbaye de Maillezais. On voit les armoiries de la Maison de Rochechouart, à la clef de la voûte du Sanctuaire. L’Eglise est sous l’invocation de la Sainte Vierge, dont la Statue, de grandeur humaine, est un chef-d’oeuvre, ainsi que le Christ qui sépare le Chœur de la Nef. La Fête Patronale est l’Assomption de Notre-Dame. Il y avoit autrefois beaucoup de Reliques, & une Confrairie du St Sacrement ; les Confreres étoient des Prêtres portant le nom de Bâtoniers ; ces Reliques & les titres de ces Bénéfices ont été vraisemblablement dissipés, dans les troubles de la Religion, au seizieme siecle, en telle sorte qu’il n’en reste plus rien. On voit dans le Sanctuaire un ancien Mausolée en pierre ; ils est probablement de quelques Seigneur du lieu, que l’on a représenté en guerrier couché, ayant un lion à ses pieds ; le chef en a été ôté il y a long-temps ; aucune inscription ne donne à connoître de qui peuvent être les cendres renfermées sous ce tombeau. 
    Quelque solide que soit cette Eglise, qui n’avoit jamais été réparée depuis sa construction, le temps l’avoit cependant dégradée en bien des endroits ; elle commençoit à tomber dans un état déplorable ; les étrangers même en témoignoient leur surprise & leur regrets. Enfin on vient d’en achever les réparations les 
    plus urgentes ; elle est aujourd’hui dans un état propre & décent ; elle est située au bas du Bourg, un peu enterrée à son entrée, à cause de l’inégalité du terrain. Il y avoit ci-devant tous les deux ans une Mission qui fut fondée en 1672 & 1678, elle n’a plus lieu depuis la suppression des Jésuites qui en étoient chargés ; le Clergé de cette Paroisse est seulement composé d’un Curé & d’un Vicaire, le Curé actuel est M. de Remigioux.

    La place oú se tienent les foires & marchés, est fort belle, quarée, située au haut du Bourg, en pente douce, & entourée de maisons qui sont presque toutes des auberges ; on en compte dans le Bourg 40, y compris les cabarets. Il y a de ces auberges qui ont jusqu’à 30 & 40 lits, & c’est encore trop peu pour les jours de foire ; on aborde à la place par 5 à 6 rues ou barieres ; les halles sont grandes & claires ; le minage est au bout, & au dessous sont la boucherie & la poissonerie ; les marchés y sont considérables, sur-tout depuis la Toussaint jusqu’à la Pentecôte ; les Cocassiers de la Rochelle, Nyort & environs, vienent 
    enlever les provisions de bouche qui s’y rendent de toutes parts, sur-tour du côté de la Gastine, comme beure, fromage, œufs, volailles, gibier de toute espece & en abondance ; il apportent en échange du poisson de mer ou d’eau douce ; coquillage, oiseaux de riviere, &c. Les marchands de toiles, mousselines, étofes, quincaillerie, &c. étalent sous les halles ; les veaux, cochons, moutons, &c. se vendent sur la place. Le Seigneur du lieu a ses gardes ou autres agens préposés à chaque bariere du Bourg, pour y percevoir un droit d’entrée sur toutes les marchandises qui y abordent. Pour marque du paiement du droit, les Préposés font, avec de l’ocre ou du blanc d’Espagne, une bâre appelée le Marreau, sur l’habit des hommes, ou la couverte des femmes qui ont payé. Il y a aussi au minage un préposé qui préleve sur chaque boisseau de blé une petite mesure, que l’on évalue être la trente-deuxième partie du boisseau. Outre ces marchés, qui se tienent le Samedi de chaque semaine, il y a par an, sept Foires très-renomées, la 1ere, (Foire des Rois) le 15 Janvier ; la 2e, (Foire de la Mi-Carême) le Samedi devant la Mi-Carême ; la 3e, (Foire de l’Hosane) la veille des Rameaux. Elles sont excellentes pour les chevaux & la mulasse ; il y vient des marchands, de Touraine, Bretagne, Anjou, Normandie, Berry, Beauce, Auvergne, Gascogne, Dauphiné, & même d’Espagne. La 4e, le 28 Mai ; on y trouve chevaux, mulasse, bœufs, moutons, &c. & toutes sortes de marchandises ; la belle saison y atire beaucoup de monde ; la 5e, appelée la Grande Foire, le 22 Août, elle est principalement pour les bœufs ; la 6e, appelée la Petite Foire, le Samedi d’après la Nativité de la Ste Vierge, c’est aussi une foire à bœufs ; la 7, le Samedi d’après la St Martin, dont elle porte le nom ; elle est la moindre de toutes, quoiqu’on y trouve aussi de tout, mais en moindre quantité. Elles durent communément 3 jours, parce que l’on compte le jour de l’arivée & celui du départ, l’un veille, l’autre lendemain de la foire. Ces foires connues, même hors du Royaume, ne sont pas toutes indiquées dans l’Almanach Provincial du Poitou. Il arivoit à ces Foires, il y a quelques années, un accident qui leur 
    auroit fait grand tort, s’il eût continué plus long temps. Toute la jeunesse de la mulasse s’agitoit à la fois ; ceux qui tenoient ce bétail par le licol, levoient le bâton pour le contenir ; il s’efrayoit au contraire davantage ; chaque bête se cabroit, échapoit à son maître, communiquoit sa peur & sa folie à sa voisine, & insensiblement la déroute devenoit générale ; tout le bétail étoit à l’épave ; il y eu souvent des persones renversées & estropiées. Le peuple ne manquoit pas d’atribuer cet accident au sortilege dont il acusoit certains marchands étrangers, auxquels il imputoit de causer se désordre pour avoir 
    meilleur marché de la marchandise. On a rompu ce prétendu sortilege, qu’on nomoit le Brouillard, en faisant barer la place par des poteaux que l’on a plantés de distance en distance, & qui arrêtent le bétail qu’on y atache, & cet accident n’arive plus. (Ce Mémoire a été écrit au mois de Février dernier ; on a vu ci-devant dans une de nos Feuilles, que le même accident y est arivé depuis, & qu’il a eu lieu souvent dans d’autres foires du Poitou. Nous avons promis de publier quelque Lettres que nous avons reçue à cette ocasion.

    Le Palais est à un bout des Halles ; l’Audience se tient tous les Samedi qui sont les jours de marché ; le Corps de la Justice est composé d’un Sénéchal, d’un Procureur Fiscal, d’un Gréfier, de six à sept Procureurs qui sont en même temps Notaires de la Chêtélenie ; il y a outre cela (?) Notaires Royaux, deux Huissiers Royaux, & plusieurs Huissiers ou Sergens de la Terre. Il n’y a présentement aucune Maison de Noblesse dans le bourg, & très peu de Bourgeois ; presque tout y est marchand, fermier, aubergiste, ou artisan. Il y a un Bureau des Aides, composé d’un Receveur & d’un Contrôeleur ; la perception des droits 
    réservés, est anexée à ce Bureau ; il y a aussi un Contrôleur des Actes, auquel sont confiées la distribution du Papier Marqué, ce qu’on appele Formule, & la Marque des Cuirs. Il n’y a point de Bureau de Poste ; un particulier de Nyort, qui vient aux marchés de Champdeniers, retire de la Poste de Nyort les lettres adressées à Champdeniers, & il se charge de porter au Bureau de Nyort les lettres qu’on lui remet à Champdeniers ; on lui donne pour sa peine un sol par lettre, au dessus de la taxe ordinaire. Ainsi on ne reçoit & on n’envoie ses lettres qu’une fois par semaine : ce qui est incommode & quelque-fois 
    préjudiciable. Un Bureau de Poste établi à Champdeniers, seroit d’une grande utilité pour les environs, & la Ferme des Postes y trouveroit sûrement son compte ; on pouroit établir un Piéton ou Savate qui porteroit à Nyort & iroit y chercher les lettres deux fois par semaine, comme il y en a en plusieurs endroits. On désiroit l’année derniere dans les Affiches du Poitou un pareil établissement entre les villes de St-Maixant & Partenay ; ce service public n’est pas encore assez perfectioné dans cette Province. Il y a à Champdeniers une Brigade de Maréchaussée, composée d’un Sous-Brigadier & de deux Cavaliers ; ce n’est pas assez pour l’endroit ; un Cavalier de plus y seroit très-utile ; il 
    se trouve des circonstances ou la Brigade actuele a de la peine à suffire au Service ; les autres Brigades sont éloignées ; il y a presque tous les jours des foires ou des assemblées dans le pays, la Maréchaussée s’y porte pour y maintenir le bon ordre ; & d’ailleurs Champdeniers est un grôs lieu. On y trouve de toutes les professions, libérales ou méchaniques, des marchands & artisans de toute espece, tels que l’on puisse, pour ainsi dire, s’imaginer, & qu’en présentent les plus grandes villes de la Province, & un très-grand nombre de voituriers. Les Menuisiers sur tout & les Séruriers y excellent dans leur Art ; ces derniers font aussi des fusils, pistolets & pendules ; les Tanneurs qui y sont en grand nombre, font un débit considérable de peaux, non seulement à Champdeniers, mais encore à Nyort, oú ils en envoient en quantité les jours de foire de cette ville. Il y a deux moulins à écorce ; mais ils ne suffisent pas pour entretenir les Tanneurs, de la poudre de tan nécessaire à ces manufactures. 

    Il se consume, année commune, à Champdeniers, environ mille bariques de vin, que 
    l’on fait venir de Saintonge. Autrefois les environs de ce bourg en fournissoient, & l’on n’en tiroit point d’ailleurs ; mais depuis plusieurs années on a négligé les vignes ; on les a ensuite arrachées, & on en a fait des près qui réussissent beaucoup mieux ; de sorte que le fourage y est très-commun. 
    Aussi Champdeniers a t il été souvent un quartier pour de la Cavalerie ou des Dragons ; on y plaçoit une compagnie des Régimens dont les Etats-Majors étoient à Nyort : ce qui faisoit du bien au pays par la consommation des denrées & des foins. Il n’y a point eu de troupes depuis 1763, quoiqu’il y en ait eu constament & qu’il y en ait encore à Nyort & St-Maixant. La paroisse de Champdeniers n’est pas fort étendue dans la campagne ; il n’y a que 12 à 13 métairies, plusieurs borderies & quelques moulins ; la moitié de la paroisse est en plaine du côté de Nyort ; l’autre moitié est en Gastine du côté de Partenay. 
    Les chemins y sont impraticables pour les charetes pendant l’hiver ; ce qui rend les voitures impossibles dans cette saison & fort difficiles en tout autre temps ; aussi sont-elles fort cheres. Un toneau de vin coûte en hiver 30 # à faie rendre de Nyort à Champdeniers, quoique ce soit en plaine ; les foins, les gerbes de blé, le bois, les fumiers, la pierre même & le sâble pour bâtir, se voiturent dans les environs de ce bourg sur des chevaux, parce que les charetes n’y roulent qu’avec beaucoup de peine à cause de l’inégalité du terrain & qu’il faut toujours monter pour ariver au bourg. Si l’on pratiquoit une grande route bien pavée depuis Nyort jusqu’à Champdeniers & delà jusqu’à Partenay, ce qui fait une longueur de huit lieues, cet endroit deviendroit encore plus commerçant ; il auroit des relations faciles & avantageuses avec la Rochelle & tous les 
    lieux de la même route, ainsi qu’avec Saumur & toutes les villes circonvoines de ce passage ; ajoutez que les étrangers viendroient encore en plus grand nombre aux foires d’hiver, parce qu’ils ne craindroient plus les mauvais chemins. Par ce moyen Champdeniers se grôssiroit de jour en jour, & tous les lieux qui l’entourent en profiteroient ; une plus grande population, fruit de l’aisance, de l’activité & des communications, étendant, multipliant & favorisant à la fois l’agriculture, l’industrie & le commerce ; la route seroit même bien plus courte & plus commode pour aller de Nyort à Partenay & au delà ; & ces deux villes, Partenay sur-tout, y trouveroient leur avantage.

    On recueille dans la plaine, du froment, de la baillarge, de l’orge, de la garobe selon le terme du pays, c’est-à-dire de la vesce ; du mil, quelques pois ronds, assez de pois de mai ou haricots, autrement mogettes ; du lin, du chanvre, des noix, point d’amandes, assez de cerises & autres hauts fruits. La Gastine donne du seigle, de l’avoine, du blé noir ou sarrasin, du garouil, du bois, du charbon, pommes & poires franches ou sauvages, cerises, néfles, chataignes, glands, beaucoup de noisettes, &c. Le gibier y est abondant & de 
    bonne qualité, sur-tout en perdrix rouges & grises, râles de genet, becasses, lievres, lapins, &c. On y trouve aussi de la bête fauve ; les loups y font quelquefois de grands ravages : il seroit à propos d’en faire la chasse de temps en temps ; les étangs y sont communs & fournissent d’assez bon poisson, on les pêche trop souvent ; le terrain est fort propre, sur-tout dans la plaine, pour le jardinage ; les légumes, ainsi que les fruits, y sont précoces & d’un fort bon goût. Les terres à blé, de la Gastine, sont d’une culture très-pénible ; on est quelquefois obligé de mettre 6 à 8 bœufs sur une charue ; cette difficulté du labourage provient non seulement de la pesanteur des terres, mais encore des racines d’agéons & genets qui couvrent les champs dès qu’on cesse de les cultiver : car on ensemence ordinairement une piece de terre pendant six à sept ans de suite avec très-peu de labour ; après quoi on la laisse reposer pendant plusieurs années. Pendant ce repos elle devient pâtis, & prépare une récolte de fagots de grands genets ou agéons, & sert en outre de pâcage au bétail. C’est dans ces pâtis, qui sont en très-grand nombre en Gastine, ainsi que les prairies, que l’on éleve la mulace, les chevaux, bœufs & moutons qui garnissent nos foires : & c’est-là la principale ressource des habitans de la Gastine ; car en général ils ne recueuillent pas assez de blé pour se nourir.

    Il y a à Champdeniers deux sortes de mesures de grains, quoiqu’il n’y ait qu’un boisseau ; la mesure marchande quand on vent le blé au détail, est d’un huitieme plus grande que le boisseau ordinaire : c’est-à-dire, que celui qui vend un, deux ou trois boisseaux de blé, est obligé de fournir par chaque boisseau ras, une mesure de plus ; & cette mesure est la huitieme partie du boisseau ras. On se sert du boisseau ras pour les rentes, à moins qu’il ne soit stipulé autrement dans les titres des Seigneurs ou Propriétaires. On s’en sert aussi pour vendre à pochée, à fourniture & à toneau ; la pochée est de cinq boisseaux & demi, ras ; la fourniture est de 22 boisseaux ras ; le toneau est de 55 boisseaux ras ; mais on ne paye la pochée que sur le pied de cinq boisseaux, la fourniture que sur le pied de 20 boisseaux, & le toneau que sur le pied de 50 boisseaux. Il s’ensuit delà que le boisseau marchand est plus grand que le boisseau ras, d’un huitieme en sus ; & que celui qui vend à pochée, fourniture ou toneau, à plus de profit que s’il vendoit tout son blé au boisseau marchand : car pour la pochée on ne donne que cinq boisseaux & demis, ras, ou cinq boisseaux & cinq mesures. De même celui qui vend à fourniture, ne donne que 22 boisseaux ras, au lieu qu’au boisseau marchand il donneroit 20 boisseaux & 20 mesures, ce qui feroit 22 boisseaux & demi. Enfin celui qui vend à toneau, ne donne que 55 boisseaux ras, au lieu qu’au boisseau marchand il donneroit 50 boisseaux & 50 mesures, ce qui feroit 56 boisseaux & 2 mesures. Toutes ces différences sont un objet digne 
    d’attention sur une certaine quantité ; on a fait peser, en Février 1774, différentes sortes de grains pour savoir au juste le poids du boisseau de Champdeniers ; le froment pesoit de 45 à 46 liv., boisseau ras ; par conséquent le boisseau marchand pesoit de 49 à 50, ainsi des autres grains ; le seigle pesoit 44 liv.,la méture 40, la baillarge 39. 

    Le Seigneur de Champdeniers se faisoit ci-devant servir d’un droit assez singulier ; tous les mariés de l’année dans la paroisse lui donnoient une triple courone composée de rubans & de fleurs artificieles d’Italie ; on nommoit cette courone un Chapelet, qui étoit évalué à 3 l 10 r. Ceux qui n’étoient que publiés dans la paroisse, ou qui y venoient d’ailleurs mariés, ne devoient que dix sols. Les jeunes Prêtres de la paroisse étoient assujetis au même droit ; mais ce droit est tombé depuis quelques années, soit par le défaut d’authenticité des titres, soit par l’abus qui s’étoit glissé dans la maniere de l’exiger. Il y avoit aussi autrefois une espece de Bachelerie, qui étoit une Fête continuele depuis le Jeûdi-Gras jusqu’au Mardi-Gras. Tous les nouveaux mariés se rassembloient lestement habillés, en veste, sans armes ni bâtons ; ils mettoient chacun quelque piece de vaissele d’étain en dépôt ; delà on alloit dans un pré qui porte encore le nom de pré de l’Eteuf : là des Bacheliers portoient un drapeau ou étendart, avec lequel ils faisoient un cercle dans le milieu de ce pré ; le plus ancien des nouveaux mariés avoit à la main une pelote couverte de velours cramoisi, garnie de petits cloux dorés & de plusieurs rubans de différentes couleurs. Il jetoit trois fois dans le cercle tracé cette pelote qu’on nommoit l’Eteuf ; alors tous se mettoient à courir ; le plus agile qui pouvoit l’atteindre & l’apporter sur la place du marché, étoit le Roi de la Bachelerie, s’il étoit du nombre des nouveaux mariés ; s’il étoit des anciens mariés, il gagnoit la vaissele d’étain que l’on avoit déposée ; mais il étoit difficile d’apporter l’Eteuf jusque sur la place, parce que parmi ceux qui n’avoient pu l’atteindre à la course, il s’en trouvoit qui tâchoient de prendre le devant pour arrêter en chemin celui qui s’en étoit rendu maître & tâcher de le lui enlever ; alors on se batoit, le plus fort ou le plus adroit s’emparoit de la pelote, ensuite tous les Bacheliers se rendoient auprès du vainqueur, en faisoient u Roi & le conduisoient en triomphe dans le bourg ; il y avoit toujours quelques instrumens de musique ; on donnoit des aubades dans toutes les rues ; on s’arrêtoit particulièrement devant des maisons qui étoient chargées de certaines redevances envers ce Roi, comme de confitures, de vin, &c. Ces Fêtes ne se passoient gueres paisiblement, il s’y introduisoit toujours un peu de licence ; il arivoit souvent des accidens, suite naturele des quereles. Le Juge du lieu qui s’y étoit transporté pour mettre de l’ordre, y fut même une fois insultéé. Toutes ces considérations ont fait supprimer la Bachelerie de l’Eteuf ; elle est tombée depuis environs 20 ans. 

     

    Ce texte a d’abord été critiqué puis salué notamment dans les « Mémoires de la Société de ... Société de statistique, sciences, lettres et arts du département de 1886 » :

    « Le chœur était séparé de la nef par une balustrade que surmontait un christ du XVIème siècle (relégué depuis au-dessus du maître-autel), dont M. de Rémigioux a le tort de vouloir faire un chef-d’œuvre .. . Notre curé en parle avec la même admiration, sans nous faire davantage partager son sentiment. » Or, dans son inestimable histoire de Champdeniers, parue en 1893, le même Léo Desaivre concède (P. 105) que M. de Rémigioux dans sa description du chœur de Champdeniers, en avait fait à juste titre l’éloge, contrairement ce que lui (Desaivre) en avait d’abord pensé.

     

    Ce mémoire se place dans une série d’écrits concernant la description des lieux et de la vie quotidienne. En effet, les humanistes de la Renaissance prenaient appuis sur ces écrits « modestes » pour améliorer ou tout simplement gouverner leurs territoires.

    Les ducs de Thouars, Duplessis Mornay et bien d’autres ont tenté en dehors des écrits à large diffusion de leur époque d’entrer dans la renaissance en s’ouvrant au monde à partir de récits de voyage ou de compilation des vues scientifiques de tel ou tel voyageur, dans la lignée d’un Léonard de Vinci : les bâtiments et les villes traversées sont décrites, les paysages, les structures économiques, les techniques et éventuellement les arts. Les zones les plus proches son évoquées parce que traversées au départ ou à l’arrivée. Mais il est possible que tel ou tel extrait puisse servir de référence pour une demande d’aménagement d’une zone particulière d’un territoire plus proche.

    Il semble aussi qu’il y ait eu à cette époque une course à la reconnaissance littéraire ou scientifique des textes, chacun se recommandant de telle ou telle structure ou institution connue.

    On connaît aussi à cette époque un essor du commerce international, des voyages pour étude …

     

    Quant au curé de Rémigioux, il a aussi un passé scolaire chez les Jésuites qui a marqué les esprits, avec moins de bonheur que son mémoire :

    Revue « Affiches du Poitou », 12 février 1778, 12ème année  

    LES REPRÉSENTATIONS DANS LES COLLÈGES :

    Revue du bas Poitou - Page 383

    « J’ai rencontré fort peu de programmes de représentations dramatiques données au collège des Jésuites de Poitiers pendant le cours du XVIIIème siècle. Je crois que, contrairement à l’usage suivi à paris et dans d’autres vills où les Pères avaient des maisons d’éducation, on ne jouait de pièces à Poitiers, que de loin en loin, et seulement quand des circonstances exceptionnelles y invitaient. Le plus souvent on se contentait de plaidoyeres ou d’exercices littéraires, en français ou en latin.

    Cependant le 26 août 1744, les élèves de rhétorique représentèrent une trégédie dont le sujet, essentiellement local, dut singulièrement piquer la curiosité des Poitevins. Malheureusement, si l’on en croit un témoin oculaire dont le goût littéraire ne peut guère être mis en doute, la pièce était loin de tenir les promesses de l’affiche.

    Dreux-du-Radier regretta son argent, et s’en plaignit sans vergogne dans ses Réréations historiques :

    « Les Jésuites, lorsqu’ils jouaient des pièces de théâtre, faisianet payer le même prix que les comédiens.il était réglé à quinze sols ;

    Un clerc pour quinze sols, sans craindre le holà,

    Peut bien impunément attaquer Attila. »

    A dit Boileau.

    « Dans leurs collèges de Province, les Jésuites ont toujours fait payer. J’ai payé à Poitiers, pour y voir une très mauvaise pièce, intitulée Radegonde, et un ballet plus ridicule et plus mauvais que la pièce. »

    Pour rendre à chacun ce qui lui appartient, je dois ajouter que le ballet de l’Hyménée était de l’invention de Girard, maître de danse du collège, et la musique de Bourgeois, maître de musique du même collège.

    Les acteurs étaient Henri Filleau, de Poitiers ; Louis d’Arsac de Ternay, du Poitou ; Dominique Dubrocq, de Bayonne ; J. Arnaud Dechesne, de Paris ; Antoine la Noailhe, du Limousin ; René-Charles Bordier, de la Touraine ; Charles Chollet, de Poitiers ; Etienne de Rémigioux, du Poitou. En 1762, par suite de l’expulsion des Jésuites, le collège de Sainte-Marthe passa à des professeurs du clergé séculier, et le 2 septembre 1768, un arrêt du parlement publia un nouveau règlement. L’article 24 décidé que la distribution des prix ne pourrait être précédée que d’un exercice de rhétorique ou d’humanités, sans qu’il puisse en aucun cas, conforméméent aux statuts de l’ùuniversité de Paris, être représenté aucune tragédie ou comédie.

    Notes : Récréation historiques, critiques, morales et dérudition avec l’histoire des fous en titre d’office. Paris – Robuste (1767 – 2 vol. P 341 du tome 1er

    Etienne de Rémigioux, curé de Champdeniers (1727 (1782)), auteur d’un Mémoire de Champdeniers publié dans les Affiches du Poitou. On ignorait jusqu’à présent où il avait fait ses études. (CF Desaivre. Histoire de Champdeniers P. 184) »

     

    On verra que d’autres Rémigioux ont laissé des traces mais dans les universités protestantes de leur époque, et nous retrouverons aussi d’autres comédiens critiqués ou reconnus.

     

     

    La laïcité dans ces écrits

     

    La laïcité paraît être évidente dans ces écrits : il n’y est généralement ni question de religion, ni même de politique.

    Les récits y sont neutres, décrivant des faits de société tels qu’ils sont vus, sans but d’observation, comme descriptions secondaires dans des voyages ayant d’autres finalités.

     

    Cependant, on peut y voir une trace des guerres de religion :

    -        Nombre de ces voyages d’étude viennent du désir des écrivains d’étudier dans des universités lointaines, dont les universités protestantes

    -        Les pays traversés décrits sont souvent d’une autre religion et d’une autre politique que la France, et les décrire revient parfois à contredire ce qui en est dit de par la « propagande royale ».

    -        Et enfin, on peut y deviner des parcours de famille particuliers, comme dans le cas du curé de Champdeniers Etienne de Rémigioux, qui cite M. Gentils dans cette correspondance avec René Alexis  Jouyneau Desloges,  créateur de la revue « Affiches du Poitou », à propos d’Alexis-Jean Drouyneau qui a écrit une histoire manuscrite de Thouars en 1742, " les mémoires historiques sur l'histoire de Thouars " (qui figurent au catalogue de Gallica). 

     

     

    Extrait de « Revue des provinces de l'Ouest : Bretagne et Poitou : histoire, littérature, sciences et arts / [direct 1858 - Drouyneau de Brie, historien de Thouars »

     « Mémoires historiques de Thouars, par Drouyneau de Brie ; 1742, ms de la bibliothèque publique de Poitiers. »

    « Je trouve le projet de canalisation du Thoué, au-dessous de Montreuil-Bellay jusqu’à Parthenay, dans l’Histoire manuscrite de la ville de Thouars, dont je viens d’avoir une copie. Cette histoire est très bien faite, et mériterait de voir le jour. Elle est de feu M. Drouyneau de Brie, avocat en parlement de Paris, et qui fut, je crois, un des magistrats de la ville de Thouars, où il jouissait de l’estime et de la considération publiques. Il la composa, en 1742, pour M. Le Nain, alors intendant du Poitou, qui fit faire l’histoire de toutes les villes principales de la province. Il serait bien intéressant de pouvoir réunir toutes ces histoires, et de les publier. Ce recueil servirait utilement de mémoires pour composer un jour l’histoire générale du Poitou. Si les héritiers de M. Drouyneau, possesseurs du manuscrit original de ses Mémoires historiques de la ville de Thouars veulent m’y autoriser et me procurer tous les éclaircissements ultérieurs dont je puis avoir besoin, j’offre volontiers d’en être l’éditeur. La ville de Thouars devrait faire la dépense des frais de l’impression. Je possède aussi une copie des Mémoires historiques manuscrits de la ville de Montaigu. Je parlerai un jour plus amplement de ceux de Thouars (1). (Jouyneau-Desloges, Affiches du Poitou, du 13 janvier 1774, N) 2, p. 6)

     

     

    A Champdeniers, le 22 janvier 1774.

    Je n’ai pu lire sans émotion, Monsieur, le projet que vous présentez au public, dans vos feuilles de cette année, ?° 2, de rendre la rivière du Thoué navigable de Parthenay à Montreuil-Bellay. Il y a longtemps que j’en connais l’utilité et les raisons qui l’appuyent. Mais je n’ai pu voir, sans quelque surprise, que vous ayez trouvé ce projet dans un manuscrit que je possède. Je n’en ai donné copie qu’à une seule personne : ainsi il ne m’est pas difficile de savoir d’où vous la tenez.

    Oui, Monsieur, ce manuscrit a été composé par feu M. Drouyneau de Brie, avocat au parlement de Paris et l’un des magistrats de la ville de Thouars. Il en était avocat ducal. Cette heureuse ville se glorifiait alors avec raison de voir toutes les places de son siège remplies par autant de magistrats d’un savoir éminent, d’une profonde érudition et d’un rare mérite ; mais la possession des choses précieuses est toujours de trop peu de durée.

    Feu M. Harcher, lieutenant général de la duché-pairie de Thouars, qui a travaillé sur la coutume du Poitou, fit, par sa mort, arrivée il y a plus de vingt ans, la première brèche à ce siège si bien composé (2). La perte fut grande, et bien d’autres se seraient trouvés dépourvus par la privation d’un magistrat de cette trempe, car il est peu de tribunaux de ce rang où tous les officiers se trouvent aussi supérieurs à leur place. Thouars ressentit cette perte ; mais accoutumée à être éclairée par des lumières de premier ordre, ce ne fut pour cette ville fortunée qu’un flambeau de moins. Il lui en restait encore deux autres dont les rayons éclatèrent tellement, qu’on ne fit que s’apercevoir de la défection de celui qui venait de s’éteindre. C’était M. de la Brunetière, sénéchal, et M. Douyneau de Brie, avocat ducal. Ce dernier, à la mémoire duquel vous voulez bien accorder vos suffrages, jouissait effectivement, ainsi que son confrère, de l’estime et de la considération publiques. ; mais il a trop peu vécu pour sa patrie, à laquelle il était tout dévoué, et qui le regrette encore. Sa mort, arrivée en 1755, fut une perte irréparable pour sa famille ; elle occasionna dans la ville et aux environs un deuil universel, et laissa dans le siège de Thouars un si grand vide, que seize à dix-sept ans de vacance ont à peine suffi pour excuser de témérité l’entreprise de remplir sa place. Il n’est pas avantageux de succéder trop promptement à de tels personnages. Je puis parler pertinemment de ce respectable magistrat : personne ne connaît mieux combien il valait. Ma belle-sœur, qui demeure actuellement avec moi, est sa fille. Héritière de quelques-uns de ses talens, je dirais volontiers, si je ne craignais d’alarmer sa modestie, qu’elle est un livre vivant, où l’on retrouve encore dans sa conversation quelques-uns de ces traits qui caractérisaient les discours familiers et les harangues qu’on entendit tant de fois le père prononcer aux rentrées du palais.

    Il a laissé à sa famille ce manuscrit, dont j’ai tiré quelques copies toutes écrites de ma main. J’en donnai une, il y a environ deux ans, à l’un de mes intimes amis qui, en cette occasion, nous a joué un petit tour prévenant dans le dessein que nous avions de vous faire passer ce livret.

    C’est M. Gentilz, lieutenant général et maire de Parthenay, qui connaissait lui-même particulièrement feu M. Drouyneau de Brie, auquel il était également attaché par les sentimens de l’amitié et par les liens de parenté, comme il l’est actuellement à sa fille, ma belle-sœur, (amitié à laquelle j’ai l’avantage de participer, et que je reconnais assurément par un retour bien sincère) ; oui, c’est M. Gentilz qui vous a envoyé cette copie que j’ai tirée sur l’original.

    Nous lui pardonnons ce petit tour qu’il ne nous a sûrement joué que par l’envie qu’il avait de faire connaître l’ouvrage.

    Nous vous prions toutefois, Monsieur, de n’en faire part à personne. Nous sommes bien dans le dessein de lui faire souffrir l’impression., et nous acceptons avec reconnaissance l’offre gracieuse que vous nous faites de nous aider en cela. Nous conviendrons, s’il vous plaît, entre nous, de toutes les mesures qu’il y aura à prendre à ce sujet ; aux beaux jours j’aurai l’honneur de vous voir, pour en conférer avec vous. D’ici là, je vous prie de me faire part de vos lumières ; j’en fais grand cas, et j’en ferai tout l’usage dont je puis être capable.

    Vous recevrez, sous huit jours, le peu d’observations que j’ai pu faire sur Champdeniers. Je vous ai bien fait attendre pour assez peu de chose ; mais j’ai eu tant d’autres affaires qui m’ont occupé jusqu’ici, que je n’ai pu m’y appliquer plus tôt, et actuellement je suis malade. Enfin, je vous enverrai tout ce que j’ai pu découvrir en cette partie. Je ne suis point de ce pays-ci, et il n’y a pas longtemps que je l’habite. Vous pensez bien qu’un étranger nouvellement venu dans un pays, qui n’y trouve ni documens, ni chartier à sa disposition, n’est pas à même d’en donner autant d’éclaircissemens qu’un habitant originaire ou anciennement naturalisé (3).

    J’ai l’honneur d’être avecbien du respect, Monsieur, votre, etc.

    De Rémigioux, curé de Champdeniers.

    A Monsieur Jouyneau-Desloges, rédacteur des Affiches du Poitou, à Poitiers.

     

    « Drouyneau de Brie, né d’une des premières familles de Thouars, fut longtemps avocat au parlement de Paris. Ses lumières et son intégrité le firent estimer de M. LE Nain, intendant de Poitiers, et de tous ses concitoyens. Il a laissé un manuscrit intitulé : Mémoires historiques de Thouars, qui m’a beaucoup servi pour écrire cette histoire. Il est mort en 1754. » (Berthre de Bourniseaux, Histoire de la ville de Thouars, p. 255. A Niort, Morisset, 1824, in 8°.)

    Si Berthre de Bourniseaux, qui résidait sur les lieux, eût donné des prénoms et des dates plus exactes de naissance et de mort, comme cela lui était bien facile et qu’il le devait même par reconnaissance, tout cela n’eût pas été de trop ; mais va-t’en voir…

    DUGAST- MATIFEUX

     

    (1)  Nous ignorons ce qu’étaient ces Mémoires historiques de Montaigu, rédigées sur l’ordre de l’intendant Le Nain. Jouyneau-Desloges ne paraît malheureusement jamais y être revenu dans ses Affiches, non plus que sur ceux de Thouars, quoiqu’il l’eût promis pour ces derniers. S’ils ne sont pas perdus, et qu’on voulût bien nous en signaler l’existence, nous en serions reconnaissant. Nous ne possédons en documents inédits sur cette localité, qui nous intéresse beaucoup, car c’est là que nous avons signé nos premiers pas sur la terre, qu’une liste ou simple nomenclature de ses seigneurs, dressée par un grand-oncle à nous, nommé Bellouard de Jémonville, subdélégué de l’intendant du Poitou au département de Montaigu, et une excellente topographie médicale, par le docteur Richard aîné,  laquelle provient, comme la lettre ci-dessous, des précieux papiers de Jouyneau-Desloges. D. -M.

    (2)  Jean-Baptiste-Louis Harcher, né à Beaufort en Anjou, au mois de novembre 1700, mort paralytique à Thouars en 1753. Il est l’auteur d’un Traité des fiefs sur la coutume du Poitou ; à Poitiers, chez Félix Faulcon, 1762, 2 vol . in 4°. Ouvrage qui a été plus tuile aux seigneurs et à leurs officiers, pour les matières féodales, qu’il ne peut désormais servir comme instruction aux lecteurs. La fille du lieutenant ducal Harcher épousa, en 1765, le chef vendéen La Ville-Baugé.

     

    Ces observations sur Champdeniers forment un mémoire ou notice historique assez intéressant, qui fut inséré dans les Affiches du Poitou, année 1774, N° 23 à 34. Nous en possédons aujourd’hui le mst.(manuscrit)  Original.

     

    A propos d’Alexis Drouyneau, ce commentaire qui relativise sa justesse d’écriture :

     

    Mémoires de la société de statistique, sciences, lettres et arts du département des deux Sèvres – 1886

    Histoire de la ville de Thouars par Alexis-Jean Drouyneau de Brie, avocat ducal, à l’état de manuscrit aux bibliothèques de Niort et de Poitiers, et à la bibliothèque poitevine des archives des Deux-Sèvres. M. Imbert en cite deux copies – de la main de M. de Rémigioux, curé de Champdeniers, dont le frère avait épousé la fille de Drouyneau – dans les papiers de la succession de M. Audebert, notaire, et d’après lui, il en existerait plusieurs autres à Thouars.

    Ce travail est perfectible selon les historiens du XIXe siècle mais permet de donner un aperçu des connaissances sur l'histoire de notre ville au milieu du XVIIIe siècle.

    Son étude n'est pas neutre, catholique, il critique sans ménagement les protestants lorsqu'il évoque le XVIe siècle. L'intérêt de ce travail commandé par l'intendant du Poitou, Jean Le Nain réside en un " Estat présent de Thouars ". Cette seconde partie présente une analyse assez précise de la situation économique, démographique et institutionnelle de Thouars au XVIIIe siècle. Drouyneau se révèle ici être sensible au progrès et aux idées naissantes du siècle des lumières.

     

    René Alexis Jouyneau-Desloges ne publiera pas le texte d’Alexis Drouyneau, au contraire de celui du curé Etienne Rémigioux, mais son texte manuscrit est consultable sur le site Gallica.

     

    Ce qui est remarquable, c’est que tous ces écrivains en présence sont de lointains parents, comme si la tradition d’écrire perdurait dans une famille même quand la mémoire s’en est éteinte.

    Seguin GENTILZ vers 1463-1530. Maire de La Rochelle en 1493, échevin en 1494. Capitaine de La Rochelle et ambassadeur de François 1er en Flandres qui le nomme chevalier en récompense de sa fidélité et de celle de La Rochelle.  Marié avant 1495 avec Marguerite AVRIL  

    Enfants

    Estienne GENTILZ La Rochelle 17 Ecuyer marié le 13 juin 1574 La Rochelle (17) avec Gabrielle PINEAU 

    Petits-enfants

    Pierre GENTILZ 1580-  Marié  1er  mai 1611 La Rochelle, 17000, avec  Catherine GOUGAULT ca 1590- 

    Arrière-petits-enfants

     René GENTILZ Maître ° ca 1625 + § ca  1650 avec  Marie BAILLIF †1686 

    Pierre GENTILZ vers 1650- 1696 Notaire, Marchand Greffier des rôles de la paroisse de Cléssé Marié vers 1670 avec Marie VINCENT 1650- 

     

    Pierre René GENTILZ 1675-1746 Magistrat, Sénéchal, Inspecteur des poudres et salpêtres de la ville de La Rochelle Sénéchal du Comté des Mothes-Coupont, Avocat en Parlement au Présidial de Poitiers, Professeur de Droit à l'Université de Poitiers

    Marié le 10 novembre 1704, avec Marie Marguerite THOURAYNE 1688- 723

     

      François Aimé GENTILZ des BARANGERIES 1707 -1774 Lieutenant Général, Capitaine Général et Maire de Parthenay

     Marié le  23 Novembre  1734, Thouars, 79329 avec  Marie Louise BLACTOT 1714-1788

     Marie Jeanne Marguerite GENTILZ 1714-1779 mariée le 16 février 1734, Chapelle domestique du Logis de La Fortinière - Clessé,79094, avec François Alexis JOUYNEAU DES LOGES, Sieur des Loges 1710-1765 dont

     

     René Alexis JOUYNEAU DES LOGES 1736-1816 Créateur des "Les Affiches du Poitou" [1773] Poitiers,86194,

      Pierre GENTILZ Vers 1500-1568 Maire de La Rochelle en 1531, Pair de La Rochelle en 1568 Marié avant 1525 avec Françoise CHATEIGNER

    Petits-enfants

      Pierre Le Jeune GENTILZ vers 1570-1598 Rochefort 17 Marié vers 1555 avec Marie du LYON 

    Anne GENTILZ Mariée avec Lénas REMIGIOUX Seigneur de la Fuye et autres lieux

    Il a été impossible à ce jour de déterminer les relations exactes entre Lénas de Rémigioux et Etienne de Rémigioux, le curé de Champdeniers, même s’il est sûr qu’ils appartenaient bien à la même famille basée à la Fuye de Nancré, certains témoignages lors de mariages les réunissant lors des signatures.

     

      Etienne de REMIGIOUX / REMIJOUX   seigneur de la Maistrie, de la Fuye de Nancré de la Talboldière ?  Ca  1660 + / 14/09/1716 

    Marié avec Catherine PORCHERON  DE ST-JAMES ca 1650- 

     

    DE REMIJOUX François  Marié  avec Julie GUILLAU

     

     

    De REMIGIOUX Jean Baptiste § avec Dame Françoise Marie Thérèse DROUYNEAU  1733 –

    Fille d’Alexis Jean DROUYNEAU 1695-1755 Etudes de droit et de théologie, Avocat en Parlement à Paris. Il achète la charge d'avocat ducal de Thouars, succède à son père François à la charge de prévôt provincial Rédacteur des "Mémoires historiques" sur la ville de Thouars en 1742 à l'instigation de 'l'Intendant Le Nain. Marié en  1729 avec CHEVAYE Françoise-Renée

     

     

    Messire Etienne de REMIGIOUX   curé de Champdeniers 1727-1782 auteur entre autres d'un Mémoire sur Champdeniers publié dans les Affiches du Poitou.

     

    Je n’ai pas retrouvé la parenté citée entre Alexis Drouyneau et la famille de François Aimé Gentilz. Peut-être est-là une des erreurs constatées dans les textes d’Etienne Rémigioux par certains archives départementales, à moins que les références généalogiques ne soient manquantes ou égarées.

     

    Par contre, Jacques Esprinchard avait une sœur Jeanne Esprinchard née le 10 septembre 1577 qui avait épousé un Jacques « Chantaise » sieur de Rémigioux ou Jacques Rémigioux, sieur de la Maistrie et de la Fuye (de Nancré Indre et Loire), avocat à La Rochelle mais ayant un domicile quai de Grenelle à Paris, et figurant dans la table du journal Demaillasson (Cf. Archives historiques du Poitou, t. XXXVI, p. 162, 163, 462, et XXXVIl, table.). Veuve, elle se remaria avec Antoine le Vieux, écuyer sieur de la Salle qui habitait alors Châtellerault.

    Nous retrouverons ces Rémigioux bien d’autres fois, tant ils se sont alliés aux avocats, éditeurs, écrivains et édiles de leur époque.

     

    Ces journaux de voyage ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la littérature « mineure » de cette époque, et même s’ils en représentent un aspect particulier souvent très neutre, ils ne reflètent pas la liberté à laquelle certains prétendaient aussi à l’époque.

     

    Alors, qu’en est-il de l’expression politique de ces temps anciens ?

     

     

     

     


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